Pour le 1er mai dans le temps, il y avait une ferrade libre au mas des Marquises, aux Salins de Giraud. Mes parents avaient une bande d’amis et ce jour-là nous en profitions pour passer une belle journée. Nous autres les enfants on nous laissait faire la fête tranquille.

La journée battait son plein, lorsque une de mes amies et moi-même furent saisies d’une envie aussi soudaine que pressante. Mais où aller ? Notre pique-nique était installé dans le pré derrière les arènes.

Un petit bosquet d’arbres rabougris jouxtait le champ où nous étions. Nous décidâmes de sauter la roubine [1] et nous voila dans le petit bois. Un moulon de ronce offrait la protection idéale à notre pudeur juvénile. Vous conviendrez que pour les hommes c’est nettement plus simple.

Notre soulagement d’avoir trouvé cet endroit fût de courte durée. Nous allions commencer notre affaire lorsque nous fûmes interrompues par le bruit fort reconnaissable d’un bovin de race Camargue en train de souffler. Et d’un coup on releva la tête et là, à quelques mètres de nous, un taureau, tout étonné de sa découverte, qui commença à avancer vers nous. Avec le recul, je me mets à la place de cet animal, qui voit, tout d’un coup des jeunes filles en train de vouloir soulager un besoin tout à fait naturel au demeurant. Il paraissait surpris et venait voir tout simplement ce qu’il en était. Et là je vous garantis que j’eus la peur de ma vie. Des taureaux j’en ai toujours vu, mais là, ce fut l’affolement. Nous nous rajustâmes en trente secondes et il nous poussa des ailes pour sauter la roubine. Nos amis nous virent arriver en criant "un taureau nous suit, il arrive".

Un de nos amis était gardian à la manade et avec un autre gardian, ils allèrent voir immédiatement. Car dans le pré ce jour-là il y avait au moins 500 personnes et un taureau un peu trop curieux peut semer la panique.

En fait, il ne nous avait pas suivi, il s’était arrêté à la roubine.

Notre ami nous a dit que le simbeù Simplet n’était pas "méchant" et qu’il était venu voir tout simplement, ce qui ce passait.

Mais pour nous, qui étions des enfants cela nous a fait un choc de nous retrouver nez à nez avec un taureau.

Et c’est vrai qu’il n’était pas agressif car quelques mois plus tard je l’ai revu dans le bouveau [2] et je lui ai donné des morceaux de pain.

Depuis ce jour-là, la peur des taureaux est toujours là, tapie au fond de moi

[1rigole, ruisseau

[2enclos