La course camarguaise dans la tourmente
Les Saintes Maries de la Mer.
Le congrès 2011 de la Fédération Française de la Course Camarguaise va débuter d’ici quelques minutes. C’est alors que la scène du centre culturel se retrouve remplie d’un nombre impressionant de raseteurs. Ils discutent un moment avec le président Itier.
Le président s’installe alors au pupitre, entouré par le vice-président Turquay, le Secrétaire Roccia, le trésorier Bayol et le président de l’association des raseteurs Noguéra.
Le président Itier prend la parole : “En comité directeur dernièrement, on avait prévu pour 2011 la suppression du groupe 2. On ne va pas revenir dans les détails, ce problème a été soulevé à 7 ou 8 réunions, présenté dans les différents départements... Il nous semblait qu’il n’y avait pas d’opposition catégorique... Les raseteurs sont là, ils viennent de me signaler leur mécontement, c’est la démocratie, on les écoute, ils m’ont rendu toutes les licences, mais ils ne partiront pas tant que on ne remet pas en place le groupe 2. Moi, je leur explique que je ne peux pas prendre la décision tout seul, bien évidemment, donc dans la mesure où ils ne sont pas d’accord, on est vraiment désolé mais j’annule le congrès, on ne peut pas aller plus loin.”
Nicolas Noguera prend ensuite le micro. “Nous aussi on est désolé de devoir en arriver à des extrémités comme celle là. Notre plus grand souhait était que le congrès se passe de la plus claire des façons possibles. Les décisions qui ont été prises ne sont pas partagées par nous, mais également par bien d’autres personnes, et ce ne sont pas les premières. Aujourd’hui les raseteurs ne vont pas payer les pots cassés de 15 ans de politique. On a accepté pendant des années des modifications de règlements, le frontal en moins, des raseteurs en moins... Pour quelle amélioration du spectacle... Aucune. Aujourd’hui si on est dans un trou, on n’en est pas les seuls responsables. Il va falloir que tout le monde paie.”
Voilà. Le congrès 2011 vient de se terminer, 3 minutes après avoir commencé.
Que vient il donc de se passer ?...
Comment peut on saborder ainsi un tel évènement ?
Il y a dans cette action un mystère. Ce n’est en effet pas un conclave qui a pondu cette modification de règlement. A la fin de la saison dernière s’est posé la question de la protection de taureaux bons à l’avenir, mais s’éteignant ensuite. Il fallait trouver une solution pour protéger ces animaux et leur permettre d’apprendre sereinement la compétition au haut niveau. Un groupe de réflexion a été institué pour étudier la proposition faite par le président de l’association des manadiers de supprimer le groupe 2. Le fonds de la chose était que des raseteurs trop expérimentés face à des taureaux trop “verts” pouvaient casser le moral de ces bêtes. L’hiver a donc été le moment de réunions diverses auxquelles participaient les raseteurs. Ces derniers n’ont jamais opposé de véto à cette modification de règlement. La suppression du groupe 2 a été ainsi soumise au comité directeur et votée.
Se pose alors une question. Pour quelle raison les raseteurs, au cours de l’une ou l’autre des quelques 8 réunions, n’ont ils pas fait clairement savoir qu’ils étaient farouchement opposés à cette modification. Toute opposition franche durant les réunions aurait été écoutée. Plus, même si la démarche n’aurait pas été très élégante, une menace de “foutre le bordel” le jour du congrès au soir du comité directeur qui a entériné cette décision aurait très largement suffi à faire reculer les décideurs.
Et nous y voilà. Le congrès annulé ne profite finalement qu’à la presse, certaine ainsi de faire un 4 colonnes à la une et une page intérieure sur un évènement qui serait presque passé inaperçu sans cela. Pour le reste, les conséquences sont encore, au soir de ce dimanche, bien loin d’être connues. Dans la foulée de cette annulation, les raseteurs et les responsables fédéraux se réunissent dans une des salles du centre culturel. Décision est prise alors de réunir un Comité Directeur extraordinaire dès le lendemain afin de sortir de l’impasse provoquée par les évènements du jour. Seront reçus à cette occasion une dizaine de raseteurs qui viendront porter les revendications de leur collège.
Le lendemain au siège, ils ne sont pas dix, mais 60 raseteurs à être venus. une nouvelle démonstration de force, qui donne lieu à discussions... Et finalement, malgré ce qui avait été décidé, tous les raseteurs peuvent rester pour assister aux débats. Ceux-ci, par la voix de leur président, égrènent leurs revendications, abordant pêle-mêle le fonctionnement des écoles, les critères de changement de catégories, leur représentation au sein du comité directeur, et finalement le maintien du groupe 2.
Le président s’assure que chacun a pu s’exprimer sur le sujet, demande aux tenues blanches de sortir et déclare alors qu’il rend son tablier, ne pouvant continuer à présider une fédération dans de telles conditions face à ces revirements constants.
La déclaration étonne certains, qui ne voulaient pas que le président démissionne mais “fasse autre chose”. Etrange monde que la bouvine...
Entendre le président des raseteurs affirmer qu’il y en a assez de payer les pots cassés de 15 ans de politique est perturbant, deux ans après des élections qui n’a vu personne se lever pour construire un programme s’opposant à toutes ces années de politique. En effet, les dernières élections ne datent pas de 15 ans, mais bien de 2008. Si tout allait si mal, pourquoi ne pas s’être décidé à proposer une alternative ?
Depuis 2008, les afeciouna assistent incrédules à des joutes qui opposent les uns et les autres. Les raseteurs ne sont pas les seuls fautifs ?
C’est vrai. Tout ce petit monde a son jeu de responsabilité dans la situation 2011. Pour ne traiter que ce mandat, et revenant deux ans en arrière, il y a eu la guerre entre ffcc et trophée taurin. La pierre d’achoppement tenait à la date de début de la compétition. Fixée début mai à la demande des manadiers en raison de l’épuisement du bétail après un hiver plus que pluvieux, cette date a eu l’heur de ne pas plaire aux responsables du trophée taurin qui a déclaré son propre début de compétition un mois plus tôt. S’en est suivi des joutes incessantes, donnant une triste image de ce sport, et exacerbant les corporatismes.
L’année suivante, le congrès de Saint Gilles a aussi brillé par son incohérence. L’association des clubs taurins organisateurs, furieux que sa liste de propositions n’ait pas été retenue, a appelé au boycott de toutes les modifications de règlement. L’ACTO a réussi son pari de faire échec à toutes les propositions 2010, jetant aux orties trois mois de travail des différentes commissions qui avaient elles aussi oeuvré à l’amélioration des règles.
Enfin, cette année, ce sont les raseteurs qui ont choisi la pire des options possibles.
Que nous réserve la suite ?...
Tout ce beau monde semble oublier que la FFCC est une fédération sportive. En tant que telle, elle doit obéir à des règles. Les membres du comité directeur ne sont pas là pour parler en leur nom, mais représenter les différentes associations dont ils ne sont finalement que l’émanation. En choisissant de stigmatiser un manque de prise en compte de la part de cette instance, chacun avoue son incapacité à se faire correctement représenter. Dans les cas cités précédemment, les manadiers auraient pu demander la tenue d’un Comité directeur extraordinaire afin de modifier statutairement le règlement de la compétition pour que celle ci commence début avril, au lieu de choisir la presse comme caisse de résonance. L’acto aurait pu se proposer de participer aux différentes commissions, mandater les représentants des clubs taurins au comité directeur au lieu de saborder le congrès. Les raseteurs auraient pu s’exprimer avant le congrès...
Chacun a pourtant choisi une méthode destructrice plutôt que constructive.
La suite de ce feuilleton dramatique ne sera connue que fin mars, après le comité directeur du 28 mars 2011 lors duquel le président Itier démissionnera. Il sera sans doute suivi par un certain nombre de personnes. Selon l’article 13 de ses statuts, le comité directeur ne siège valablement que si un tiers au moins de ses membres est présent. Ainsi, si le comité directeur enregistre ainsi plus de 30 démissions, de nouvelles élections se tenir, élections qui devaient normalement avoir lieu en 2012.
Pour faire quoi ?...
Le président Itier a voulu un fonctionnement clair, dans le respect des règles sportives. C’est ce qui semble poser problème : trop de règles, trop de contraintes.
Diriger une fédération nécessite une cohérence d’action, d’actes et de déclarations que les détracteurs actuels ont du mal à tenir. Dans ce maelstrom, la presse joue un rôle non plus seulement d’information, mais également d’acteur important. A ce titre, les chroniques du Midi-Libre et de la Provence servent trop souvent de tribune aux journalistes taurins. Le trophée taurin vient même de publier l’annonce d’une nouvelle compétition dans la compétition. Un trophée sur lequel il planche depuis le mois d’octobre.
Nous voici ainsi avec un nouveau jeu de règles dans une compétition inédite, les courses Excellence. Pour l’occasion, le Trophée Taurin revisite les "lois du jeu" comme l’accès des raseteurs, les taureaux choisis ou le décompte des points.
De journalisme il n’est même plus question quand il s’agit d’emissions télévisé. Récemment, un plateau télé s’attire les ires de la fédération. Sur le site www.ffcc.info, le bureau fédéral publie un communiqué mettant en exergue les incohérences des discours des invités du plateau. Trop tard, certainement. L’équipe actuelle a perdu la bataille de la communication.
Nicolas Noguera, président de l’association des raseteurs, fera valoir son droit de réponse sur le site de la fédération en écho à la réaction d’un bureau fédéral qu’il ne reconnait pas. La fédération fera peut être de même sur la chaine télé. Et vice versa...
Laissant le champ libre à leurs détracteurs, les acteurs ont fait le jeu des donneurs de leçon, de tous ceux qui savent mieux que les autres, mais ne feront jamais rien.
Et les spectateurs ?
Ils désertent les étagères, las de ces querelles qui ne les concernent pas. Les querelles actuelles laisseront des traces. Encore.
Triste course...