la capelado

Il existe deux façons d’assister à un spectacle.
La première est de s’imposer aux répétitions. Elle permet d’assister au montage technique de l’ensemble, d’en appréhender l’ampleur artistique et technique. Un danseur n’est pas à sa place, une arlésienne pas dans la ligne. Tout se peaufine avec minutie. Rien n’est laissé au hasard, tout est pensé réfléchi. Un tableau va se dessiner. Les couches de peintures doivent suivre les circonvolutions des Cavaliers, danseuse et arlésiennes.
L’autre façon est d’être présent au milieu du public pour profiter de ce moment unique. Une seule représentation. Un seul instant en ouverture d’un autre spectacle. Patrice Blanc, le chef d’orchestre se voit confier encore une fois l’organisation de la capelado de la finale du trophée taurin. Un choix qui ne se dément pas, tant la prestation fournie par l’artiste est fantastique. Le public venu remplir les gradins s’est déplacé pour voir un sport viril presque violent dans l’affrontement entre l’homme et l’animal. Un sport qui est tout sauf féminin.

L’exploit est de faire précéder ce spectacle par de la poésie, une touche d’opera, de la danse...

Cette année, les arènes sont transformées en tableau. Un Lelée, évidemment. Une composition avec comme toile de fond la Camargue, l’oeuvre de Mistral et les arlésiennes.
Les premiers traits sont tracés par un carrousel de chevaux, qui dansent en piste, précédant dans leur prestation une allégorie sur Mireio et Ourrias.
Aujourd’hui Chloé est Mireio et Ourrias un Cheval.

L’instant passé, les danseurs plantent les couleurs Rouge et Vert de la Ville, alors que les farandoleuses les encadrent.

Et le public entre dans le tableau. Il n’est plus spectateur, il devient le cadre qui manquait encore. Il applaudit au moment où les danseurs vont arriver, applaudit quand vont entrer les arlésiennes. Apanage de la réussite d’un projet, comme on applaudit l’esquisse d’un maitre avant les touches de couleur, les spectateurs applaudissent les figures des danseurs avant même de les voir.

Un grand moment. Plus de vingt Cavaliers, 120 farandoleuses, les couleurs de la ville partout, la reine d’Arles et ses demoiselles d’honneur...

Tout un cérémonial.

Mais un tableau se doit de mettre en valeur ses personnages. Le maitre ne l’a pas oublié, et parvient à mettre en valeur chacun des acteurs à son tour : Caroline Serre, XXe Reine d’Arles seule au centre de la piste, les Manadiers présentés au public au bras de demoiselles en Gansés, les Raseteurs se partageant autour d’une haie de drapeaux. Chacun d’entre eux reçoit l’hommage qui lui est dû, chacun a sa dimension, dimension qui sait se faire grave avec la minute de silence en l’honneur des disparus, en particulier les deux grands noms qui nous ont quitté il y a peu : Espelly et Jalabert.

Le tableau est complet, signé. Il est l’heure des Biòu...

++++

La Course

Le soleil est absent aujourd’hui, il est le seul absent de ces arènes qui réalisent le plein. La course est belle sur le papier. Les meilleurs taureaux, sont confrontés aux meilleurs hommes.

_ Fidèle premier des grands rendez vous, Candello de la Manade Guillierme sort dans la lumière. On l’a peu vu cette année, cette course n’est que la seconde de 2008 après celle de la cocarde d’Or lors de laquelle il s’est brillamment illustré. Tous attendent qu’il reproduise l’exploit. Sa maitrise des hommes face à lui, son coup de tête, sa façon de résister à la pression des hommes en changeant de terrain...
Beaucoup d’espoir sur la tête de ce premier là. Aujourd’hui pourtant, il est en deçà de ses sorties habituelles. Il refuse beaucoup, semble absent. Un jour sans pour ce biòu, comme il en arrive parfois. Son manque de combativité prive les raseteurs d’adversaire, et cul tanqué au toril malgré quelques mouvements, il conserve ses ficelles. Son retour au toril sera sanctionné par les sifflets du public, déçus par sa prestation.

Vidourlen le suit dans sa course. Lui aussi n’est pas au top de sa forme. Il montre tout de même de belle fusées. Le souci qu’il pose aux raseteurs est lié à quelques départs "un temps trop tard". Il démarre à contre temps, les hommes ont du mal à s’approcher. Le plus vif à le voir venir est Sabri, seul en piste capable de compenser ce retard en venant le provoquer plus près. il réussit ainsi à le lancer à sa poursuite pour le tirer aux barrières.
Allouani lui fait coupe cocarde et cocarde, alors que Loic Auzolle et Hadrien Poujol se partagent les glands. Il garde néanmoins ses ficelles. Sa prestation n’a pas totalement démérité, il est applaudi à son retour.

Le début de course au ralenti, ou tout au moins plus doucement que ce que les hommes attendaient leur donne confiance en eux. Trop peut être, la question se pose avec Adil Benafitou, qui le premier en prend la mesure et lui fait coupe cocarde et cocarde. En confiance, il se lance dans un long raset qu’Andalou voit beaucoup trop tôt. Il coupe la trajectoire qu’Adil envisageait de prendre pleine piste. Pire, Adil s’embronche et prend un temps de retard. Pris de court, il se retrouve dans le berceau des cornes effilées du biòu avec juste assez de lucidité pour plonger et passer sous l’animal dans les cris de la foule. Andalou lui marche sur la jambe et le contraint à sortir un moment, emmené sur une civière. Il reviendra en piste après l’entracte. Andalou est en forme, montre de splendides anticipations mises à profit par Villard, Allouani ou Auzolle qui le feront briller. La course est bien lancée avec les courses de ce taureau. Tant et si bien qu’il entend son dernier Carmen en rentrant au toril.

L’entracte passé, le "seigneur de Camargue" entre en piste. Camarina triple biòu d’Or sort à la place du chef. Son entrée est pour lui aussi en douceur. sa course n"est pas bien déroulée, son train arrière a l’air emprunté. Une peur qui ne dure pas, le taureau se chauffe et sa foulée est de plus en plus déliée. Un quart d’heure parfait ? Pour certains oui, pour d’autres non. Maladie de la Course camarguaise où tout le monde râle sans arrêt. En fait Camarina est raseté aujourd’hui à son avantage. Pas de reprises pour cet animal. Tous les rasets sont pris à l’arrêt. Enorme Poujol, qui recommence un duo formé avec un Laurent il y a quelques années. Une course, qui passe juste, tirant le taureau jusqu’aux barrières. Et de recommencer de justesse, une puis deux fois...
Le taureau est plutôt gaucher aujourd’hui, et ceux ci profitent de l’aubaine. Ouffe à deux reprises et Poujol encore lui font entendre Carmen. Poujol prend de plus en plus de risques dont un n’est pas sans conséquences. A la 13eme minute, Sur un raset osé, il saute en contrepiste, mais ne s’accroche pas. Erreur, Camarina a sauté après lui. Des cris beaucoup de mouvements en contrepiste, Hadrien s’arrache et saute en piste. Il s’est fait accrocher la jambe. Pas assez néanmoins pour l’obliger à s’arrêter. Il reste pour un public qui l’ovationne. Et la ficelle monte, monte jusqu’à 2000 euros à la dernière minute. Camarina la rentre sous les applaudissements d’un public conquis. Un quart d’heure "de rêve" dans le sens où le public a poussé à fond, les raseteurs ont raseté tout à l’avantage du taureau pour des courses d’anthologie...

Yvan du Pantai prend la place de Mathis dans l’affiche de la course. Il démontre un quart d’heure durant qu’il est à sa place dans cette piste. Ses courses sur Loic Auzolle ou sur Benjamin Villard dont il prend le pied à la barrière font réagir les spectateurs. Avec sa rapidité et son coup de tête, il tient les hommes à l’écart, rentrant sa première ficelle primée 900 euros.

Rodin des Baumelles le suit. Le meilleur taureau de la journée. Il est complet, méchant, avec des finitions lourdes aux planches. Son anticipation sur Victor Jourdan est stupéfiante. Sa finition sur Sabri pleine de rage. Malgré cela, Sabri se lance de loin, pleine piste. Enorme course du Champion de France, la main sur le frontal dans une trajectoire qui n’en finit plus, devant un public médusé. Un raset qui vient du fond de la piste... Et que Sabri envisage sérieusement de rééditer... A deux reprises on le voit s’élancer, mais le taureau ne lui laisse pas le temps d’armer sa course. Lors de sa prestation un gaucher et un droitier Hadrien et Sabri se partageront les points. La deuxième ficelle soulève le traditionnel litige, la moitié des arènes ayant mieux vu l’action que le juge de piste qui lui était placé juste devant le taureau quand ce dernier a perdu sa ficelle. Une bronca salue ainsi l’attribution de cette ficelle à Sabri. La Course camarguaise est bien un sport, et le partisanisme est bien présent.

Renoir finit l’après midi. Mal, serais je tenté de dire... Le taureau est excellent et laisse augurer des prochaines saisons pleines de promesses. Mais Renoir s’est blessé. Et suffisamment pour que la course soit interrompue. Trois minutes auparavant, une action sur Lahcène Outarka se terminait dans un cri du raseteur qui s’est mal reçu en contrepiste. Il a quitté la course, porté. Deux blessés pour un quart d’heure. Beaucoup trop.

Une finale excellente a montré en quelques heures toutes l’étendue des émotions liées à ce sport. Camarina et Sabri Allouani sont les deux grands vainqueurs de cette année 2008, le premier s’adjugeant son troisième biòu d’Or et le second son 8e trophée des As, rejoignant Castro dans la légende. Ils sont aussi, avec Rodin, les vainqueurs de la journée. Mais au delà des victoires, et des lignes qu’ont écrit en bas des pages de palmarès, les images de cette course resteront. Des rasets extraordinaires du champion sur Rodin, sa façon d’entrer dans le terrain d’Andalou resteront autant d’images.
Il n’était pas seul en piste, et cette finale a aussi montré quelques courses stupéfiantes, comme celles des gauchers sur Camarina, ou des rasets osés de Benjamin villard, Loic Auzolle.

Osco la Course Camarguaise, et félicitations aux champions.

Portfolio

Les Peña
Les gardians de la Montagnette
Mireio et Ourias
La Reine d’Arles
Les Couleurs de la ville
Danseurs et Arlésiennes
L’entrée des farandoleuses
Les Gardians se placent
Entrée des enfants
Jacques Mailhan et Caroline Serre
Entrée des manadiers
Entrée des raseteurs