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La rencontre

Sur le parking, les touristes se regroupent autour du berger, au cul de son Kangoo, la voiture officielle de la profession.
Jean-Pierre distribue les bâtons, et les premières recommandations. Le baton se tient avec le bout fort à terre, le bout fin à la main.
"C’est comme ça qu’on reconnaît les touristes par ici" dit il incidemment...

Pas de doute, on en est, on venait de dire le contraire aux minots...
Bon, Ça au moins, c’est fait...

Il prend la tête de la colonne, accompagné de ses deux filles Kattalin et Maialen, son ânesse Jeanne suitée de son ânon Zorro, et nous entraîne dans le premier raidillon... Le ton est donné, on n’est pas en plaine... La côte est courte, mais... On est dans les Pyrénées...
Derrière nous s’étend maintenant le "Val d’Azun". Toutes les bosses ont un nom ici, souvent local avant d’avoir été francisé, Val d’Azun vient du béarnais, et signifie Vallée ensoleillée.
Ensoleillée, la vallée l’est certainement. Le Val d’Azun tient pour cela une place particulière dans les Pyrénées, elle est la seule vallée qui ne soit pas orientée Nord-Sud, mais Est-Ouest. En outre, elle marque la délimitation entre les départements des Hautes Pyrénées et les Pyrénées Atlantiques. Le berger a prévu un petit laïus, à l’ombre d’un éperon rocheux.
Ça tombe bien, on en avait besoin.
Là il explique. Il parle de lui, et de sa profession aujourd’hui. Une plongée dans un monde que tous ignorons, parfaitement, englués que nous sommes dans nos images d’épinal : le vieux berger hirsute et barbu, portant le chapeau, la cape et tenant un long baton "de berger". Nous avons bien besoin d’un cours, besoin et envie de découvrir ce métier.
Le berger en face de nous est svelte, musclé, glabre et un peu chauve. Seule concession à l’image traditionnelle que nous avions, il porte le béret "béarnais", et non basque comme on le pense souvent. Le béret vient de Nay en Béarn à l’origine, les basques l’ont seulement fait connaître.

Le métier de Berger

"Les bergers louent les montagnes que vous voyez..." Voilà un premier préjugé qui tombe. Les montagnes n’appartiennent pas à tout le monde, le terrain est communal, et la commune loue ces montagnes aux bergers qui veulent faire patûrer leurs bêtes.
Chaque berger se voit attribuer une parcelle (dont il a intérêt à ne pas sortir) pour les mois compris entre juin et octobre. Ce sont les "Estives", ce que dans les Alpes on nomme les Alpages.

Jean-Pierre loue ainsi 4 montagnes. Aujourd’hui on peut voir de la son troupeau se détacher sur une plaque de neige sur le flanc du Gabizos qui nous fait face au loin. Cent trente brebis paturent là haut. Il a aussi sur le versant où nous nous trouvons, un petit troupeau de brebis, et un troupeau de vaches. Il est arrivé ici avec ses bêtes le même jour que les autres "étrangers", le 15 juin dernier. Il n’habite pas Arrens-Marsous, commune propriétaire des lieux, et est donc considéré comme un étranger. Avant le 15 juin, seuls les bergers locaux ont le droit de monter sur ces montagnes. La date du 15 juin voit donc arriver tous les bergers ayant loué des terrains, soit environ 90% de l’activité pastorale du coin.

Le jour d’arrivée, les bergers sont reçus par un employé communal qui vérifie les certificats sanitaires des animaux et calcule la "Baccade", la redevance qui permettra au berger d’occuper les terrains. Cette redevance est calculée en fonction des animaux présents [1].
Quelquefois, le système choisi est différent, avec un système de location forfaitaire pour une montagne, comme c’est le cas pour lui de l’Estibète, la montagne juste derrière nous.
Jean-Pierre fait partie des 2500 bergers recensés dans les Pyrénées Atlantiques, le plus important département français en terme de pastoralisme. Sous la force de ce chiffre se cache pourtant une érosion non négligeable, ils étaient 2700 l’an dernier, combien en restera-t’il l’an prochain...
Il est en effet de plus en plus difficile de vivre décemment de cette activité, qui est pourtant aidée par le système, notamment par un remboursement sous forme de subventions de la Baccade, au grand dam des bergers, qui préfèreraient largement tirer les fruits de leur travail.

Au fond de la Vallée, le berger nous pointe 4 cabanes. Elles viennent d’être mises aux normes pour une dizaine de bergers locaux, qui y traient leurs vaches pour servir de base à un fromage mixte brebis-vache. Un autre mode de fonctionnement, un point de fixation, et des bergers qui viennent le matin et le soir pour la traite, redescendant dans la vallée pour faire le fromage...

Entre temps, le troupeau que nous formons s’est déplacé, rejoignant quelques juments qui paissent là. Des chevaux pour la boucherie, l’élevage de chevaux lourds en France est principalement dédié à cela de nos jours. Le berger nous invite à ne pas trop nous approcher des chevaux, on ne peut jamais préjuger des réactions d’un animal, et un coup de pied de cheval n’a rien d’une caresse.
Encore une idée de citadin, le sacrosaint "oh qu’il est mignon..." Sauf que la mignonne pèse 700 kilos et que vous la dérangez, ou que vous venez de passer entre elle et son poulain, ou que vous l’avez surprise...
Aborder un animal ne se fait jamais sans précaution, quelque soit l’animal.

"Ne bougez pas d’ici, je reviens" Il disparaît au delà de la butte pour réapparaître aussitôt suivi d’une trentaine de brebis maintenues en groupe serré par Isard, son troupeau de brebis, des tarasconnaises, qu’il fixe sur ce pré et monte voir tous les jours.

  • "Comment reconnaissez vous vos bêtes ?"
  • Les brebis sont marquées d’une tâche rouge sur la nuque et bleu sur la croupe à l’aide d’un mélange coloré sur la laine, qui tient le temps de la saison.
  • "Comment se fait il qu’elle ne s’en vont pas d’ici ?"
  • Elles savent que je vais passer, et je leur donne ici du sel le matin. Elles ne partent pas parce qu’elles savent qu’elles auront ce sel. On appelle cela "fixer" un troupeau.
  • "Pourquoi passer tous les jours ?"
  • Les brebis sont sensibles au piétain, un champignon qui se loge entre les doigts et les handicape sérieusement. Il faut surveiller sans cesse, vérifier que tout se passe bien, qu’aucune bête n’a de souci.
  • "Elles ne sont pas tondues ?"
  • On tond les brebis en fin de saison, pas en début. Cela peut sembler paradoxal, mais la laine protège de la chaleur, et l’hiver les bêtes sont enfermées...

Au sujet de la tonte... Antan, les tontes se faisaient de façon concertées, c’était l’occasion d’être ensemble, les bergers tondaient un troupeau, puis passaient à un autre. Aujourd’hui, la tonte est réalisée par des professionnels capables de faire un troupeau dans la journée. Vendue, la laine paie la moitié du coût de la tonte, mais la tonte est nécessaire à la bonne santé de la bête.

Les questions continuent de fuser, quelquefois décousues, donnant à cette matinée l’aspect d’une classe qui écoute, s’intéresse et découvre la face cachée de ce métier.

Nous laissons là les brebis, non sans avoir vu Isard, le border collie, à l’oeuvre. Il prend ses ordres en Béarnais. On dit souvent que "bon chien chasse de sang", ce qui est vrai pour les chiens de chasse l’est aussi pour les chiens de berger. Les borders ont une propension naturelle à encercler un groupe et à le maintenir serré. Un vrai plaisir que de voir ce chien décoller comme une fusée, serrer les brebis, les contourner et les ramener...

Les Pyrénées

Nous revoilà une pose plus tard, sous les arbres cette fois.
Jean-Pierre nous parle des Pyrénées. Ces montagnes dans lesquelles il a grandi,et de ce qu’elles sont devenues aujourd’hui.
Une histoire qui prend sa source il y a 4 à 5000 ans... Les agriculteurs ont utilisé les plaines, puis se sont tournés vers les coteaux, couverts par des forêts immenses, une forêt qui montait jusqu’à 2000 mètres d’altitude. Leur besoin de terres les a contraint à défricher massivement cet espace en propageant des feux dits de conquête qui ont lentement sculpté le paysage visible aujourd’hui. De grandes prairies utilisées et maintenues par les bergers. Mais les bergers sont de moins en moins nombreux, et les terres inclinées sont peu propices au travail mécanisé.
Peu à peu les hommes cessent d’utiliser et de travailler ces terres. Un écobuage soutenu maintenait la forêt à distance. La pression diminuant, cette dernière regagne le terrain perdu. La grange que le berger montre en est un exemple frappant, située dans une forêt, elle était jadis cernée de foins et de prairies.
Une grange à flanc de coteau. Elle était utilisée jadis par les bergers. En hivernage et estives, cette grange abritait pour un temps l’homme et son troupeau. Tout autour du bâtiment, les foins permettaient de nourrir un temps une trentaine de brebis. Mais la taille du bâtiment, associé à la nécessité de faire les foins à la main ont conduit à l’arrêt de l’utilisation de ces batisses aujourd’hui vouées à la destruction, ou à une inévitable mutation en résidence secondaire.
Hier était différent.

Les Vaches

Laissant ces granges et l’élevage des moutons, il est temps d’aller chercher lautre troupeau : les vaches. La diversification de l’activité est aujourd’hui une nécessité, ou une envie. Le berger possède outre ses 150 brebis, une quarantaine de vaches, qu’il est temps de regrouper et d’amener au point d’eau. Un autre travail représente d’autres besoins. Le troupeau de blondes d’Aquitaine est menée par deux Vaches gasconnes au caractère trempé. Elles sont arrivées adulte dans ce troupeau et l’ont pris en main. Elles en sont aujourd’hui les meneuses. Placides, les génisses avancent à la suite des deux femelles grises, poussées par le chien qui gesticule efficacement. La conduite du troupeau est plus rustique qu’avec les brebis, ces demoiselles ne se laissent pas toujours faire. Mais Isard est rapide et malin...

Arrivé au point d’eau, Jean-Pierre sort un sac de Maïs. Le principe est le même que pour les brebis. Donner aux animaux ce qu’ils aiment tous les jours au même endroit et à une même heure les incite à rester ou même venir à cet endroit. Le maïs les fixe plus efficacement qu’une clôture.
Et les vaches de se tenir face à nous, mangeant avec gourmandise.

  • "Elles sont écornées ?"
  • Oui, Les vaches sont écornées dans leur quatrième année, après que la pousse de la corne s’arrête. Couper les cornes permet de rééquilibrer les dominations dans le troupeau. On laisse une partie de la corne afin de pouvoir les tenir à la corde en cas de besoin. Une vache tenue par le cou fait ce qu’elle veut. Tenue par les cornes, elle se laisse dominer.

Ces vaches sont gravides, elles ont été inséminées, et devraient vêler en octobre. Le vêlage ne se fera pas sur les estives, elles seront redescendues avant.

  • "Pourquoi ?"
  • Le vêlage est quelquefois difficile, ou tout au moins doit il être surveillé. Et il faut aussi composer avec les nombreuses populations de vautours fauve. Un sujet qui devient délicat aujourd’hui.

Les Vautours

Enfant, il se rappelle que voir un vautour était un évènement. Il faut dire que jusqu’aux années soixante, de sombres histoires alimentaient les veillées dans les Pyrénées.
"Les vautours ne sont pas que des charognards, ils sont capables d’enlever des enfants parfois..."
Des fables pour effrayer les petits enfants qui ont nui à la réputation de ce fossoyeur au rôle essentiel. En 1963 le vautour a bénéficié de programmes de protection qui ont permis de changer son image et de conforter ses effectifs. Il y a eu d’autres facteurs comme des charniers exposés coté Aragonais où des porcheries industrielles trouvaient faciles de déposer des cadavres. Ces charniers ont "fixé" des colonies de vautours. La nouvelle règlementation européenne aidant, ces charniers ont été interdit et les vautours ont dû trouver d’autres sources de nourriture.
Avec beaucoup d’invididus et peu de carcasses, l’espèce s’est adaptée. Depuis une petite dizaine d’années, des observations parlent de cas dans lesquels ces oiseaux auraient fait preuve d’impatience, n’attendant pas que les animaux soient morts. Ils se sont mis à prélever leur pitance sur des jeunes nés, les placenta des femelles, et même à attaquer les femelles épuisées par un agnelage, un poulinage ou un vêlage.

En dehors de ce phénomène, le rôle de charognard du vautour reste important en montagne. Son action, ainsi que celle des autres charognards que sont les vautours percnoptères et les gypaete barbus contribuent à nettoyer les carcasses.
Le matin même on était tombé sur le cadavre d’une jument, foudroyée le 17 juin 2006. Il n’en restait que les os, après une curée monumentale de ces grands oiseaux.

Le berger lève la tête. Ce n’est pas uniquement pour nous montrer la ronde des trois vautours, à une encablure de là. Les nuages tournent et le temps change vite en montagne. Laissant les vaches, on poursuit sur le chemin, plus facile en descente, jusqu’à une dernière halte avant le point d’eau, autour de 4 pierres.

Berger, Hier

- Ici, vous êtes sur un vestige pastoral, une maison de berger. Il nous la dessine telle qu’elle était avec son toit en lauzes, une petite maison avec un petit lit, sans confort. A gauche là, au mur, des étagères, et ici, sous le pignon, un trou dans le mur pour servir de conduit à la cheminée.

Son histoire nous entraîne 50 ans, 100 ans en arrière. La vie d’un berger autrefois.
Une autre image d’Epinal que nous gardons tous : un berger s’avance vers sa cabane seul avec son chien. Il a choisi sa vie d’ermite, las de la compagnie des hommes...

Et si la réalité était différente. Nos ancêtres avaient de grandes familles. Il n’était pas rare d’avoir 7,8 voire 12 enfants. Partout en France, la règle était simple. On ne morcelle pas le patrimoine qui part en héritage à l’aîné des mâles.
Que les autres se débrouillent...
Sauf un. Un que les parents ont choisi pour être le Baylet. Un des mâles que les parents désignent pour être le domestique, "l’esclave" de l’aîné. Il passera sa vie à servir son frère, contre l’unique gîte et couvert. Il lui sera interdit de fonder un foyer. Et cette cabane sur laquelle nous nous trouvons est la sienne. C’est lui qui est désigné pour s’occuper du troupeau et pour passer ces longs mois seul ici, dans une vie et une solitude qui a poussé tant et tant d’hommes au suicide.

_ L’esclavage, un autre temps ?
Il n’est pourtant pas si éloigné le temps où cette pratique existait encore, à peine une génération. Jean-Pierre est fils de Baylet, un de ceux qui ont eu la force de dire non à cette existence, qui ont fondé un foyer, malgré la pression des us et coutumes, de la sociéyé d’autrefois.
De l’âge de 12 à 27 ans, il a servi son frère, avant de tirer un trait sur des siècles de cette pratique. Il était le dernier peut être.
L’évolution de la condition, et du métier, de berger en un siècle, en ce siècle est incommensurable. Aujourd’hui, les hommes ne restent plus 24 heures sur 24 en montagne avec leurs bêtes, on finit par mieux comprendre pour quelle raison.

Les ours

  • "Et les Ours ?"

    _ Le sujet devait apparaître. Le berger n’a pas outre mesure envie d’en parler. Pourquoi agiter la polémique ?

Il accepte cependant, si de notre coté on prend le temps de l’écouter dérouler son argumentaire. Les raccourcis de l’info aujourd’hui ont diabolisé les bergers face à ces pauvres plantigrades, le berger en face de nous ne veut plus se laisser aller à quelques phrases type.
Devant notre insistance, il se décide. Durant une heure, il explique sa façon de voir, n’omettant rien, maîtrisant son sujet. Lui, Pyrénéen aime les ours des Pyrénées, ceux que l’homme ne verra jamais. Il est contre les réintroductions d’ours slovènes. Difficile de ne pas être d’accord avec lui tant ses arguments sont justes. Un coin du voile se déchire.
Comment résumer tout cela sans lui causer encore du tort ?

Le sujet a été maintes fois débattu, et l’info partielle et parcellaire sur le sujet a volontiers omis tout élément pouvant donner raison aux bergers.
Les ours ne sont pas naturellement montagnards. Des plaines, ils ont été poussé par l’homme vers les montagnes. La cohabitation entre hommes et ours ne s’est jamais bien passé, pour s’en convaincre, il n’y a qu’à feuilleter les ouvrages montrant des photos du début du siècle. _ Chasseurs ou montreurs d’ours se disputent la vedette.
Pourtant aujourd’hui on a tous une tendresse pour le "Teddy Bear", l’ours en peluche de notre enfance. La source de cette attitude est peut être liée aux américains. Il était de coutume de permettre au président des états-unis nouvellement élu de tirer un ours, après son investiture. Théodore Roosevelt, attendri par la bête, refusa de la tirer, d’où le "Teddy Bear" et l’apparition des ours en peluche.

Aujourd’hui, on a fini par presque oublier qu’il est un grand prédateur et un animal qui peut se révéler dangereux. Dans notre inconscient, il reste la peluche, et quiconque est contre l’ours "doit" être mauvais.
Nous en étions aux chasses à l’ours, avant cette digression. Les dernières chasses au plantigrade ont été réalisé par l’état. Il s’agissait de battues administratives pour éliminer un danger menaçant un troupeau. Un berger ayant subi des attaques se tournaient vers les autorités, et le préfet montait une battue. Il rameutait tous ceux qui voulaient bien y participer, et les lieutenants de louveterie poussaient la bêtes vers les tireurs.
Probablement afin d’exorciser les démons et rassurer la population, le tueur avait droit à une prime et la dépouille était montrée de village en village, ce qui donnait lieu à de grandes fêtes.

En 1947, un épisode a conduit à la dernière battue administrative. Un ours s’est déchaîné sur des troupeaux de bovins, tuant une trentaine de génisses dans la vallée de l’Ouzoum. Il a été abattu.

Les Pyrénéens ont été les derniers à tolérer une vie à proximité du plantigrade. Les autres régions se sont débarrassé du problème bien plus tôt. C’est dans ces conditions que la réintroduction a été décidée.
Malgré les différentes alarmes lancées il y a quarante ans, il a fallu attendre 1995 pour qu’un programme de protection des ours pyrénéens soit lancé. A cette date, les 187 fonctionnaires du réseau Ours ont dénombré 5 ours restant dans les Pyrénées, 4 mâles et une femelle.

Ces chiffres calamiteux pour la survie de l’espèce ont servi de base au programmes de réintroduction.

Un premier lâcher (Zyva, Melba et Pyros) a eu lieu, loin des populations d’ours locales. On garde tous en mémoire la mort de Mellba, largement médiatisée. L’infâme a tué l’ourse. Il a été démontré que le tir a été réalisé à faible distance et de face. Mais le sujet est intéressant à médiatiser dans notre société citadine fermement protectrice de la faune sauvage. L’anathème a été lancé contre le tireur.

Zyva a survécu. Elle a donné naissance à Néré. Néré est arrivé sur la montagne où nous nous trouvons le 17 juin 2000. Néré a tué 136 brebis, une vache et un poulain. Les bergers ont vécu un calvaire avec cet animal. Déviant dans son comportement, l’ours s’est amusé avec ses proies. Les bergers ont du finir au couteau au petit matin des brebis aux pis ou aux oreilles arrachés durant la nuit. Agonisantes, il fallait abréger les souffrances des moutons.
Néré a fini par changer de Vallée, au soulagement des bergers d’ici, au grand dam des bergers là bas.

Malgré un climat peu amène, d’autres réintroductions ont eu lieu au printemps 2006. Les populations étaient pour cette réintroduction à 77%. Un chiffre extraordinaire, sauf que... Ce chiffre est le résultat d’un sondage internet. Les éleveurs étaient contre, les maires des communes étaient contre sauf 5 d’entre eux. Mais le programme est national, et dans ces conditions... Cinq ours ont ainsi été réintroduits : Balou, un mâle et 4 femelles, dont Franska.
Franska. Encore une source d’inquiétude pour les bergers. Choisie et capturée par des experts en Slovénie, cette jeune femelle de trois ans devait permettre de repeupler la région. Elle a été lâchée à Bagnères de Bigorre qui avait dit oui à la réintroduction. Il lui a fallu 15 minutes pour changer de commune, et aller là où "on" avait dit non, ici, sur cette montagne. Pour les bergers locaux, ce fut le commencement de 5 mois d’angoisse, à attendre le matin pour constater les dégats, regrouper et calmer les brebis effrayées, compter les mortes, les survivantes. Au total cette année là Jean-Pierre a perdu 17 brebis, mais combien d’avortements suite au traumatisme des attaques à répétition...
Trois de ces brebis ont été payées, les autres ont été "finies" par les vautours avant que les experts du réseau ours n’analysent les dépouilles.

Les solutions pour empécher une attaques sont peu nombreuses. Elles consistent en un "Gardez vos bêtes". L’état a même prévu une solution qui consiste en la fourniture d’un aide gardien, d’un patou, d’une clôture et d’un sac de croquette. Un maire a, un jour, contacté le préfet pour que, suite à une attaque, on fournisse au berger victime de l’attaque l’ensemble des fourniture de cette procédure.
Un gamin a accepté le poste d’aide gardien ainsi proposé. Il s’est retrouvé sous une tente sur un flanc de montagne à attendre l’ours. Cela n’a pas duré longtemps, le second soir l’ours est venu. Le troupeau a senti l’ours, défoncé la clôture, le patou s’est réfugié sous la tente, et le gamin a été terrorisé...
Un autre éclairage sur ces lachers d’ours
Les mesures prévues sont dérisoires dans une zone où le pastoralisme est si important. Il n’y a pas moins de 600000 brebis en estives dans les Pyrénées. L’ours pratique des attaques de "glissement", changeant de cibles si la résistance est présente. Dans ces conditions, il faudrait, à la première attaque, protéger tous les troupeaux afin que le prédateur ne se déchaine pas sur le suivant, moins protégé.

Depuis cette sortie, j’ai fait un tour sur le net, à la recherche d’infos sur ces réintroductions
Les ours importés viennent de Slovénie. Dans ce pays, il n’y a pas de pastoralisme.
En revanche, la population d’ursidés a considérablement augmenté ces 30 dernières années. On y trouve environ 500 ours répartis sur 35000 hectares. Ces populations sont séparées en deux groupes. La population humaine du nord du pays étant moins encline à supporter la présence des plantigrades, on peut lire çà et là que les autorités ont du "prendre cela en compte". Il n’y a guère que deux façons d’éloigner les ours des zones où ils ne sont pas souhaités : les enfermer dans une réserve, ou les fixer en leur donnant de la nourriture, au risque de les voir se laisser aller.
Que feront ces animaux qui ont perdu l’habitude de chasser ?

Mais les experts ont choisi les animaux à réintroduire. Franska a été tuée en 2007 sur une quatre voies par un véhicule militaire. L’animal a été autopsié, et on a appris qu’elle n’était pas subadulte, mais agée de 17 ans. Dix-sept ans, presque trop agée pour se reproduire, pour un animal qu’on imaginait agée entre 3 et 6 ans.
Balou de son coté a été repéré près de Toulouse, à une vingtaine de kilomètres de la Ville rose. Il était, à la fin de l’été activement recherché. D’autant plus activement qu’il y avait urgence, son collier est en train de l’étrangler. Depuis, l’ours a été tiré par un chasseur lors d’une battue au sanglier, il est blessé à une patte.

Jean-Pierre est en colère. En colère parce qu’on n’a pas le droit de faire n’importe quoi avec les animaux, fussent ils sauvages. Franska méritait de finir ses jours dans sa réserve, nourrie par les autorités slovènes. Balou ne méritait pas ce traitement.

Il nous avait prévenu, "vous lirez ce que l’on dit de moi sur internet".
En effet...
Impressionnant de lire à quel point la mauvaise foi associée à la stupidité peut donner des résultats étonnants. Mais en fait, au delà de cette agression personnelle, tout le sujet sent le soufre. Entre pro et anti, l’ours fait écrire, et raconter n’importe quoi, ou plus exactement, d’omettre à bon escient les sujets qui pourraient soulever des questions.

Quelques exemples de questions ?
L’ours des Pyrénées est un ours brun. Animal qui n’est pas en voie d’extinction en Europe. Pourquoi le WWF se lance t’il dans ce programme ? _ De son propre aveu, le hamster d’Alsace ou la Tortue Herrmann sont des espèces bien plus menacées.

Les animaux importés viennent d’un pays ne connaissant pas le pastoralisme. Pourquoi ne pas introduire le pastoralisme "gardé" en Slovénie pour que les ours comprennent que les brebis ne doivent pas être une cible facile.

Sur TF1 après la mort de Franska, on voit un "expert" expliquer que Franska n’était pas un ours à problème, puisqu’un ours est considéré comme tel, lorsqu’il s’attaque à des troupeaux gardés. Or cela n’a pas été le cas. Dit il... On a vu ici que les mesures de protection d’un troupeau ont tout de même conduit à son attaque. Etait il mal renseigné, ou est ce un oubli coupable ?

Un ours brun est principalement végétarien, le mouton constitue tout de même 8% de son alimentation. L’année où Franska est arrivée, elle a tué 73 brebis. Ca fait beaucoup pour un animal dont l’habitat naturel n’est pas la prairie où sont parquées les brebis.

Les programmes de réintroduction des ours sont une réussite en Italie ou en Espagne. Le WWF prend comme exemple le Trentin. Pourquoi ne pas se lancer dans une extension occidentale vers les Alpes de ce programme ?
Autre exemple de réussite, la cordillère cantabrique est toute proche... Pourquoi ne pas mettre l’accent sur ces programmes ?

Les gens qui sont "pour" la réintroduction de l’ours savent ils que si l’état écoute les recommandations du WWF, les promeneurs seront interdits dans les zones déclarées espaces protégés ?

Autant de questions qui ne sont pas soulevées, la pression médiatique est déjà passée, les bergers sont les mauvais élèves de la classe. Balou a comme parrains Gérard Depardieu et Fanny Ardant... Dans ces conditions...

Je ne me permettrai pas de conclure sur ce sujet. Je ne suis après tout qu’un citadin habitant très loin des paysages et reliefs concernés par ces réintroductions. Dans ces conditions, comment pourrais je faire la part des choses ?

Qu’il me soit juste permis de regretter que bon nombre de mes concitoyens n’aient pas l’honnêteté de reconnaître leur incompétence.

Des réactions

Et la suite...
Elle était attendue.

Nous avons relu maintes fois cet article, il était important pour nous de présenter la journée que nous avions vécu telle qu’elle l’avait été et pas telle que nous l’avions imaginée. Nous sommes plus "chroniqueurs" que journalistes.

Voilà les faits. Faites vous votre opinion...

Mais nous savions que cet article serait polémique. Il est des sujets comme le loup, l’ours, la corrida, la chasse... qui échauffent le sang.

Deux points communs au sujet des réactions que nous avons reçu à la suite de la publication de cet article :

  • De longs mails, si longs à écrire que la personne n’a finalement plus eu le temps de le signer.
  • Des références à un blog belge dans tous les messages.

Ce fameux blog belge, sur lequel j’ai retrouvé la quasi totalité de notre article émaillé de quantités de réflexions aussi personnelles qu’atrabilaires.
Guère étonnant, l’auteur est de longue date un ennemi personnel de Jean-Pierre Pommiès. Il dépense une énergie considérable à détruire ce berger.
Pour preuve, un autre billet écrit en 2006 sur ce berger toujours aussi émaillé de réflexions visant à orienter le lecteur du genre "Lui confieriez-vous l’éducation de votre enfant en classe de montagne ? Moi pas." (Un argument visant à choquer et qui a fait mouche puisqu’un des mails que nous avons reçu reprenait cette phrase. )
"(les jours) de ce pastoralisme à la française, obtus, borné, violent et hors la loi sont comptés"
"l’avenir que vous vous fabriquez est noir et pourri. Inutile d’essayer de faire pleurer dans les chaumières, c’est fini, basta. "
Et il termine :
"Mon rêve de berger sous la grande ourse"

Bref... Une croisade.

Mais qui est l’auteur ?
L’auteur est un belge, pays réputé pour ses montagnes, ses forêts verdoyantes et sa population d’ours.
Quel rapport ? Aucun, justement.
Il aime la nature, et a découvert le pastoralisme un jour où il faisait du parapente dans la Drôme (sic).

Interviewé en 2006 par le journal du Net, il se défend d’être un extrémiste : "cette distance me permet d’avoir du recul et d’être plus facilement critique" " Entre les extrémistes des deux bords, bergers et écolos fermés d’esprits, je suis pris entre le marteau et l’enclume. "

Malgré une position absolue, il y croit fermement...

Il n’a pourtant pas tardé à reprendre notre article, qui racontait la journée que nous avions passé pour délirer à sa guise... Je ne me rappelle pourtant pas l’avoir vu ce jour là.
Mais il sait tout, il a tout vu, comme beaucoup de "bien pensant"...
Et comme le web et la notion de blog permet de raconter n’importe quoi sans crainte, il se lâche.

Je reconnais qu’il est très fort. Démarrer son article par :
"Quand on parle du métier de berger avec les mots tradition, patrimoine et identité, je me méfie. Traditions comme Chasse Pêche Nature et Traditions ? Patrimoine comme Association de Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ? Identité comme Association de Défense de l’identité Pyrénéenne ? "

C’est très habile, en plaçant sur la sellette le site qui va ensuite être commenté, il jette carrément l’opprobe sur nous en disant Et j’ai raison de me méfier de cet article "bergers en 2008".

L’auteur termine par :

"Tradicioun.org ne désire montrer de cet accompagnateur en montagne que le côté Mr Hyde. Il ne désire pas communiquer sur les exploits de Jean-Pierre Pommiès. D’autres sont près à le faire pour lui. Les témoins racontent son côté Dr Jekyll. Jean-Pierre Pommiès se conduit comme un extrémiste violent. Tradicioun.org ne bronche pas devant ces comportements insupportables."
Du calme, c’est le contraire... Jekyll, Hyde...
Là... Ca va mieux ?
Il va bien dormir, maintenant qu’il a écrit "son" billet sur "son" blog ?
Il a failli laisser passer un article sur le web sans venir cracher son venin... Inconcevable, ca...

Ne vous en déplaise, nous ne réagirons jamais aux provocations des agités dans votre genre. J’ai témoigné de ce que j’ai vécu ce jour là, je réagis à l’article que je lis sur "votre" site, et à "vos" commentaires, je ne ferai rien de plus. Je ne suis pas un partisan de l’un ou de l’autre. Je ne suis ni manipulé, ni manipulateur.
Votre colère vous anime seul, avec quelques uns de vos amis. Il est très tendance de se lancer dans des croisades estampillées "nature". Menez la votre, et laissez nous donc tranquilles.
En ce qui me concerne, vous êtes un âne. Et vous ne cherchez que le mal.

Que d’énergie dépensée pour rien.
Vous n’avez donc rien de mieux à faire ?

[1elle s’élève à 3,5euros la brebis, 25 euros la vache, 80 euros la jument, ou encore 45 euros la ruche

Portfolio