A une heure d’un pic de crue du Rhône à 6500 m3/s [1], Fontaine de Vaucluse est en "hautes eaux". Le mugissement du torrent témoigne de la puissance de la Sorgue, qui vient caresser dangereusement le tablier des ponts.

Mistral joue avec cette fontaine dont le mystère de l’origine traverse les âges, il décrit ainsi son origine magique :

"Parti pour faire danser les filles de l’Isle sur Sorgue, le vieux ménétrier Basile s’endormit à l’ombre un chaud jour, sur le chemin de Vaucluse. Apparut une nymphe qui, belle comme l’onde claire, prit la main du dormeur et le conduisit au bord de la Vasque où s’épanouit la Sorgue.
Devant eux, l’eau s’entrouvrit et les laissa descendre entre deux murailles de liquide cristal au fond du gouffre.
Après une longue course souterraine, la nymphe, au milieu d’une souriante prairie, semée de fleurs surnaturelles arrêta le ménétrier devant 7 gros diamants.
Soulevant l’un deux, elle fit jaillir un puissant jet d’eau. Voilà dit-elle, le secret de la source dont je suis la gardienne, pour la gonfler je retire les diamants, au septième, l’eau atteint "le figuier qui ne boit qu’une fois l’an" et elle disparût en réveillant Basile."

On retrouve ce figuier qui désespère de revoir les hautes eaux pour s’abreuver dans Mireio. Dans le chant II Vincent l’évoque en déclarant sa flamme à la jeune fille :

Mai, o bellasso ! au mai t’aluque,
Au mai, pecaire ! m’emberluque !...
Veguère une figuiero, un cop, dins moun camin,
Arraâdo à la roco nuso
Contro la baumo de Vau-Cluso :
Maigro, pecaire ! i lagramuso
Ie dounarié mai d’oumbro un clot de jaussemin !
 
Un cop pèr an vers si racino Vèn flouqueja l’oundo vesino ;
E l’aubret secarous, à l’aboundouso font
Que Mounto à-n-éu pèr que s’abéure,
Tant que n’en vòu, se bouto à béure...
D’acò tout l’an n’a proun pèr viéure.
Coume à l’anèu la péiro, à iéu aco respond ;
 
Que siéu, Mirèio, la figuiero,
E tu, la font e la fresquiero !
E basto, à iéu pauret ! basto, uno fes de l’an,
Que pousquèsse, à geinoun coume aro,
Me souleia i rai de ta caro
E subre-tout de poudé’ncaro
Te floureja li det d’un poutoun tremoulant !

[1Le débit moyen à l’embouchure est de 1800 m3/s

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