Frédéric Mistral est décédé un samedi 25 Mars 1914. Chaque année, le capoulié du Félibrige fait le déplacement jusqu’à Maillane. Il vient rendre compte des travaux de son association, vient conserver un contact ténu avec le poète. Comme chaque année, il se rend ainsi avec la Nacioun Gardiano sur la tombe, puis dans la maison du Maitre.

Cette année, le contact aura été plus fort que jamais. Passé les hommages au chantre de Provence, le comité des fêtes d’Arles, l’atelier du costume et la confrérie de Saint-Eloi de Maillane ont concocté un programme qui aurait fait "tréfoulir" le maître.

Bientôt aura lieu l’élection de la XXIème Reine du Pays d’Arles. Pour l’heure, elles sont sept jeunes filles à briguer ce titre de représentante de la culture provençale. Elles sont venues à Maillane pour une journée autour du maître, de sa vie, de son oeuvre et de ses valeurs.

C’est ainsi qu’en ce Samedi 26 Mars les clochettes tintinnabulantes d’un collier sarrazin ont animé au grand galop la cour du mas du Juge, point d’orgue d’une journée qui a conduit les sept prétendantes à travers le village au cimetière "davans la capoucho blanquinello", puis dans la demeure du maître, devenu musée Mistral. La visite de l’école bilingue Français Provençal a cloturé cette matinée dans les pas de Frédéric. Le déjeuner ne pouvait alors se dérouler ailleurs que dans la première demeure du Poète, au mas du Juge.

Là, un autre programme attend ces demoiselles. Le programme de l’après midi est ouvert au public. Et quel programme. L’affiche était alléchante, et a su trouver son public, la grand salle n’avait ainsi qu’un défaut, il aurait fallu pousser les murs.
Dès 14H00, une exposition de photos de bijoux provençaux était offerte aux regards, en attendant 14H30 et l’arrivée des deux conférenciers Mrs Bonnifay et Laboureau. Ceux ci, une heure durant vont présenter des pièces extraordinaires. Commençant par une Croix Maltaise, ils en expliquent le détail, la grande et la petite histoires. La croix de l’ordre de Malte possède ainsi 8 pointes symbolisant les 8 nations de l’ordre : La Provence, l’Auvergne,la France, l’italie, l’Aragon, l’Allemagne, la Castille et l’Angleterre. Dans la salle, le silence démontre à quel point l’auditoire est passionné, autant par le discours que par la présentation de bijoux par l’atelier du costume. Arpentant la salle, les dames de l’atelier présentent en situation les collections des deux bijoutiers, Maltaise, Jeannette, capucine, Maintenon... Deux siècles d’orfèvrerie sont ainsi passés en revue.

Les bijoux disaient beaucoup de choses sur leur propriétaire, tout autant que le costume porté. A la suite des bijoutiers, C’est au tour de Fabienne Laugier, Nicole Niel et Rémi Venture de venir souligner un aspect du costume dont on ne parle que trop peu, la signature de l’origine. Le costume ne se porte pas en Arles de la même façon que dans les villages environnants. Il n’y a guère que l’Arlésienne pour oser un décolleté. Les villages alentour arborent des plastrons beaucoup plus chastes. Nicole passe en revue les spécificités dans l’art de composer les bandeaux, la forme et la présence ou non de la pelote. Autant de villages, autant de costumes différents. Autant de fierté de se présenter comme venant de...

Et la journée de se poursuivre... Le temps de faire entrer dans la cour quelques chevaux de trait, le sémillant André Gabriel distille quelques airs de Galoubet, extraordinaire comme à son habitude.

Et enfin...
L’idée du comité des Fêtes était de rapprocher deux traditions qui se cotoie souvent de loin. S’il arrive que la reine assiste à des carreto-ramado, ces deux symboles sont souvent en des lieux différents.
Comment reprocher à la Reine d’Arles de ne pas assister à la Saint Eloi de Chateaurenard le jour de la Fête du Costume, ou à celle de Graveson le jour des Festo Vierginenco... Tout comme le costume, les Carreto-Ramado sont un pan important de la vie des villages des Alpilles.

Dans Memori e Raconte, Frédéric Mistral raconte cette fête. Rien ne pourra jamais être écrit qui décrive de façon plus vivante cette fête :

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Sant-Aloi, en Prouvènço, es, coume lou sabès, la fèsto di meinagié. Pèr touto la Prouvènço, aquéu jour, li curat benesisson li bèsti, ase, miòu e chivau. E li gènt, au bestiàri, fan tasta lou pan signa, aquéu bon pan signa, perfuma ‘mé d’anisse e daureja ‘mé d’iòu, qu’apellon tourtihado.
Mai, dins nòsti païs, aquéu jour, se fai courre la Carreto Ramado, un càrri de verduro atala de quaranto o de cinquanto bèsti, encaparraçounado coume au tèms di tourné, garnido de soubarbo, de caberto broudado, de plumet, de mirau, emé de luno de letoun ! E s’encanto lou fouit, valènt-à-dire qu’à l’encant meton publicamen la digneta de Priéu : “ A 30 franc lou fouit ! à 100 franc ! à 200 f franc ! ”
Adise à uno ! adise à dos ! adise à tres !
Aquéu que mounto lou plus aut a lou reinage de la fèsto. La Carreto Ramado vai à la proucessioun, emé sa cavaucado de bouié trefouli que marchon fieramen, cadun contro sa bèsti, en fasènt peta lou fouit. Sus lou càrri, acoumpagna d’un tambour e d’un fifre, li Priéu soun asseta. Li paire, sus li miòu, escambarlon sis enfant, qu’afeciouna s’arrapon is estello di coulas. An, li coulas, à sa capoucho, tóuti uno tourtihado emé lou bandeiroun, en papié, de Sant-Aloi. E, pourta sus l’espalo dis ancian Priéu, lou Sant, lou grand Sant-Aloi, en glòri, coume un evesque d’or, s’avanço, la crosso à la man.
Pièi, la proucessioun facho, la Carreto, empourtado pèr li cinquanto miòu o miolo, zóu ! vague de rounfla dins un revoulunas de póusso, emé li jouìni ràfi que lampon, arderous, au coustat de si bèsti, en cors de camiso tóuti, lou bounet sus l’auriho, i pèd li soulié prim e la taiolo is anco.
Jan Roussiero, mountant nosto miolo Falèto, qu’avié « lou quiéu d’amelo », es aqui , aque lan, qu’ espantè li badaire. Degaja coume un cat, sautavo sus la bèsti , davalant, remountant, uno fes d’assetoun, un cop d’escambarloun, quouro se tenènt dre sus li malu de la Falèto, quouro sus soun esquino fasènt lou pèd-cauquet, l’aubre-dre, la granouio, en un mot la fantasia, coume li cavalié aràbi ..."

Mr Moucadel, le président de la Confrérie explique le harnachement pendant que le davans reçoit le collier Sarrazin créé l’an dernier pour les 40 de la Fédération Alpilles-Durance des Carreto-Ramado. Un Davans, deux Cordiers, une Cavihe et un Limonié... Ils attèlent une carreto, et pas n’importe laquelle, celle qui court à Maillane l’avant dernier dimanche de Juillet.

Le càrri n’est pas garni aujourd’hui, mais il va courir, faire claquer ses sabots dans la cour du Mas du maitre, une fois, deux fois, trois fois.
J’aurais juré entendre le rire du poète derrière le cristal des clochettes et des grelots.

Le public est conquis, les charretiers heureux, et Frédéric aussi.

Merci...

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