Le Ruban d’Arlésienne ne tient qu’à un fil.
Ce fil, c’est Mme Faure, la dernière découpeuse de velours au Sabre. Le ruban est extraordinaire de texture, de reflets ; deux caractéristiques qui s’acquièrent en coupant un a un les fils de soie des motifs. La trame a été tissée, et au dessus de celle ci, les motifs sont plat, terne. Un a un, ils vont être coupés, "sabrés" d’une main aussi patiente qu’experte.

Mme Faure a plus de 70 ans. Elle a commencé comme on commençait alors, par tradition. Les grandes font, les petites observent et reproduisent. D’abord en cachette, même si les adultes savaient pertinemment ce que les gamines faisaient quand elles avaient le dos tourné, puis avec ces adultes, elles travaillaient de conserve.

Alors aujourd’hui, le ruban ne tient plus qu’à un fil. Qui imaginerait se lancer dans un tel métier, un tel sacerdoce. Tout est dans le coup de main, le geste doit être sûr, couper tous les fils du motifs, et uniquement eux, et surtout, surtout, ne pas piquer la trame. Et recommencer plus loin, encore. Une journée sur un ruban, pas moins avec un rasoir parfait.

Là encore, le ruban ne tient qu’à un fil, celui du rasoir que de moins en moins de couteliers sont en mesure de produire. La soie est une matière difficile à couper. Le fil doit être parfait, la lame doit être repassée au feutre pour obtenir la finesse de coupe désirée.

Les fils coupés, il reste à leur donner leur tenue finale par une étape de brossage. La brosse est en poils de Sanglier, et l’opération se fait à chaud. Si le moindre défaut dans le travail du rasoir passait inaperçu jusqu’alors, cette étape est cruelle pour les erreurs éventuelles.

Le ruban sort de cette dernière étape prêt à être posé.

De nouvelles couleurs pourront alors prendre la suite. Mais pour cela il faudra prévoir 6 à 8 semaines pour monter les billots des nouvelles teintes sur le métier, puis tisser les nouvelles combinaisons, et sabrer les rubans un par un...

Mme Faure continuera longtemps encore, pour le bonheur des arlésiennes d’aujourd’hui et de demain. Le ruban ne tient plus qu’à un fil, mais un fil de soie, le plus résistant qui soit.
L’industrie de luxe a ralenti ses commandes. Elle qui a travaillé en haute coutûre avec Givenchy, Dior, Saint Laurent ou Chanel imagine que le marché reprendra, et suscitera de nouvelles vocations afin qu’elle puisse enseigner à une nouvelle génération ce geste qui fait toute la différence pour nos Arlatenco.

Osco...

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