Ils sont arrivés tôt les membres de l’atelier du Costume.
Il fallait installer.
En devenant un temple à la mémoire du maître, sa villa s’est tue. Elle est entrée dans le silence respectueux de ces musées que nous visitons tous, s’y déplaçant à pas feutrés, chuchotant afin de ne pas troubler la sérénité du lieu. Et de contempler tableaux, textes et sculptures...

L’ethnographe qui sommeillait en Frédéric Mistral rêvait peut être d’autre chose. Une maison est faite pour vivre, avec des gamins qui font "trembler" les murs, les rires des filles, les discussions dans la bibliothèque, les conversations dans le petit salon...
Du rêve à la réalité, l’atelier du costume réinsuffle la vie. Une planche à repasser dans le jardin, face au lavoir où s’installent deux bugadières. Un petit poêle face à la cuisine pour faire chauffer une soupe d’épinards, de pois chiches. Les chatouno s’installent au premier étage. Elles arrivent en jupons, et vont profiter de la soirée pour une séance de coiffure et d’habillage...

Il est 19heures, la magie opère. Le temps s’arrête un instant pour repartir un siècle plus tôt. Le phonogramme est remonté et distille ses accents de classique dans le salon, accompagnant les discussions des brodeuses. Du coin de l’oeil, j’aurais juré avoir vu sourire le portrait de Frédéric, avoir entendu sonner les 7 coups à l’horloge pourtant arrêtée depuis si longtemps.

Une autre façon de visiter un musée, un moment de communion avec le poète et avec son oeuvre. Dans la bibliothèque, les vers du maitre sont distillés avec grâce. On se prend à chercher Mireio, mais Mireio est avec son auteur, quelque part dans une des pièces, à contempler la page d’histoire qui s’écrit ce soir.
Et le public de répondre présent. Le musée est assailli de visiteurs français et étrangers. Mistral fascine, et l’atelier y ajoute une touche d’éternité. Pour preuve, la chambre dans laquelle les chatouno se préparent, littéralement prise d’assaut.
Le costume de l’arlésienne est la perfection.
Un joyau que le public ne peut habituellement voir qu’achevé, parfaitement monté. Ce soir pourtant, les portes de la chambre, de l’arrière salle du joailler s’ouvrent. Cette pièce dans laquelle l’artiste taille sa pierre, monte sa chapelle, polit son émeraude, plisse son fichu, sertit son saphir, pose son ruban dévoile son ouvrage inachevé. Indiscible instant, l’image éternelle de l’arlésienne de Mistral se dessine. Elle est bien celle pour laquelle on donnerait sa vie, dirait Frédéric.

A la fin d’une telle soirée, on ne sait plus si on a visité le musée de Mistral ou si on a passé une soirée chez Frédéric.

Merci Maillane, merci l’atelier...

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