Cher Alphonse Daudet

Nous voilà devant votre monument érigé dans ce beau village de Fontvieille au coeur de cette Provence que aimiez tant, pour vous rendre hommage.

Venus de tout le pays d’Arles, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour fêter la Provence, cette Terre miejournalo comme vous le disiez, où la lumière est telle que même l’ombre est sublime.

Nous aurions pu venir jusqu’ici en diligence ou à dos de mule, mais la diligence était en rade et la seule mule encore disponible souffrait encore d’une tendinite après avoir détaché un coup de sabot terrible à un certain Tistet Védène...

Tous, autant que nous sommes, aurions pu avoir un rôle aussi petit soit-il dans l’une de vos oeuvres. Ne serait qu’à cause de cet accent qui nous caractérise et qui émane de vos écrits. A se demander comment un parisien peut lire vos lettres sans prendre instantanément l’accent du Midi. Vous-même disiez dans une lettre adressée à Frédéric Mistral en janvier 1897 « Quand je fais un roman parisien, je tâche de donner à mes personnages laccent, le dialecte et l’atmosphère de Paris ; j’en fais autant pour les miejournau, et ici avec plus de joie encore, car j’en suis, du Midi, j’en suis bien ».

Il n’y a pas de doute, ce Midi est bien le votre car ni les Tarasconnais, ni les révérends pères de Frigolet, ni le curé de Cucugnan et ses oyes et bien d’autres n’auraient pu vous pardonner telles moqueries si elles n’étaient pas le fait d’un des leurs et empreintes de tendresse et de lucidité.

Frédéric Mistral lui-même vous écrivait en décembre 1869 : « Ton nouveau livre, les lettres de mon moulin, a toutes les exquises qualités de tes précédentes oeuvres. De plus, il est tout à fait Provençal. Aussi tu pourrais désormais t’abstenir de signer tes livres, tout le monde les reconnaitrait à la frappe. »

Grâce à vous, chantre de la Provence, pour le monde entier, nous sommes fiers et heureux d’être ce peuple Miejournau envié par tous vos lecteurs.
Aujourd’hui c’est pour vous plaire que nous fêtons la Provence en tenue champêtre car comme vous le disiez : « Il y a deux Midi. Le Midi bourgeois et le Midi paysan. L’un est comique, l’autre est splendide ».

En fièro prouvençalo que sièu, voudrièu acaba aquest oumenage en lengo nostro, valènt-à-dire en lengo vostro, perdéque es tambèn aquello que teniès doù bres. Citarai per acò Frederi Mistra qu’èro vost’ami e un ome qu’admiravias per soun amour de la lengo nostro.
Aquèu disié : « Aquèu brave Daudet ! Es toujour lou meme, un foulatoun, un fantasti, que fai dinda et trelusi tout ço que toco, qu’émé soun rire clar fa perleja li plour, que trèvo la fourèst e lou chambroun de la chatouno, que jago dou fifre sus lou front de l’armado o bèn pico tenèbro quand lou bon Diéu es en presoun.

Ti galant Contes du Lundi me vènon de faire passa’ no bono matinado, en te mande mi gramaci, ami Anfos ! Une causo que fai gau et plesi dins toun obro, es l’ardidesso e la valenço que despleges à tout prepaus, à tout sujèt, à touto esprovo. Dises ço que te pènses largamen e francamen.

Crese pas que n’i ague forço que manejon comme tu la lengo de Franço ! Comme la parles, comme la boulegues !...
E’m acò, poudriéu publica ço que fes sènso ges de signaturo. Entre te legi, touti cridarion : es de DAUDET. »