Tradition du "Mai" dans le Gard
Le mai
L’année dernière, j’étais parti à la découverte de la tradition du « Mai » dans un village de la Drome Provençale, Montségur-sur-Lauzon. Cette découverte m’avait donné un aperçu unique d’une tradition presque totalement disparu dans le reste de la Provence [1].
Alors cette année, dans la nuit du 30 avril au 1er mai, comme le veut la tradition, j’ai choisi un nouveau lieu de découverte, et mon choix se portant sur les villages du Gard Rhodanien.
Il est 18h30 dans ce petit village du Gard, et quelques jeunes (et moins jeunes !) commencent à se rassembler autour du seul bar de la commune sur la place de l’église. Après quelques verres, l’ordre est donné d’aller chercher l’arbre qui se trouve à la sortie du village. Par commodité, cet arbre, un peuplier bien droit, dépouillé de ces branches basses est déjà coupé et n’attend plus que son transport sur son lieu d‘érection au centre du village.
Trois quarts d’heure plus tard, grâce à la volonté d’une dizaine de personnes, l’arbre est érigé contre l’un des platanes de la place de l’église et remplace celui de l’année précédente. Le « Mai » de l’année est solidement maintenu par plusieurs fils de fer, et un drapeau tricolore attaché à la cime de l’arbre veille toute l’année sur les habitants de la commune.
_ Cette tradition, reprise il y a seulement trois ans dans le village de Saint-Paul les Fonts à l’initiative du Comité des fêtes, a été renouvelé cette année sans son soutien, et s’est donc déroulé dans un certain anonymat. Et un jeune de me raconter l’époque de son père, quand tous les jeunes du village allaient chercher le « Mai » au bord de la Tave (rivière locale), et même une année où l’arbre était si grand qu’il dépassait de quelques mètres le clocher du village !
Mais il s’agissait d’une autre époque…..
Il est 20h, et ma soirée ne fait que commencer.
En effet, à quelques kilomètres de là, la commune de Lirac qui semble bien endormie en ce début de soirée, se prépare à vivre à sa manière la tradition du « Mai ».
Sous un ciel menaçant et la nuit déjà bien avancée, les ruelles de ce petit village commencent à résonner du bruit de roulement des conteneurs à poubelle. Par petits groupes, sans réelle organisation, quelques jeunes partent à la recherche des poubelles disséminées dans le village pour les rassembler devant la façade de la mairie.
Si bien qu’après une heure ou deux, une trentaine de conteneurs est regroupée, et le montage de la traditionnelle pyramide de poubelles peut alors commencer. Là encore, l‘action est spontanée et le montage (différent chaque année), se révèle hasardeux.
Pendant ce temps là, un autre groupe de jeunes part en voiture sur les hauteurs du village pour couper le « Mai ».
L’arbre, un pin de taille moyenne, est coupé à l’ancienne avec une hache et une scie et tiré lentement par une voiture jusqu’à la mairie. Cette année la décision est prise de l’ériger en travers de la façade, le balcon du premier étage de la mairie en soutien.
Enfin, comme pour signer cette « œuvre » éphémère, les panneaux d’entrée et de sortie du village surmontent le tout.
Il est amusant de constater qu’à l’occasion de cette tradition ancienne, une recherche « esthétique » semble être de mise dans cette composition et concours à la réputation du village dans ce petit coin du Gard.
Et la tradition ?
La journée du 1er mai était autrefois un moment charnière dans l’année paysanne. A la célébration du printemps répondait en écho la pratique de la plantation du "Mai".
L’arbre, symbole de jeunesse et de fécondité est lié au culte antique de la Déesse Nature (Maïa chez les Grecs et les Romains). Coupé par l’ensemble des jeunes gens, le « Mai » était transporté enrubanné pour le planter sur la place du village.
De manière générale les villages du Gard Rhodanien célèbrent aujourd’hui encore la tradition de l’arbre de « Mai » mais en observant un cérémonial différent selon les communes.
Il est vrai aussi que cette tradition est en perte de vitesse dans de nombreux villages ayant totalement disparu dans d’autres.
Cette fête s’effectue aujourd’hui au travers de jeunes (parfois chapeauté par des moins jeunes), qui ne connaissent rien de la signification exacte de ce qu’ils font. La pression de certains maires contre le déroulement et le maintien de cette tradition ainsi que le renouvellement important au fil des années de la population qui n’est plus sensibilisée par cette tradition locale, participent de cette perte réelle de motivation à célébrer ce rite ancien dans sa plus pure tradition.
Aujourd’hui en 2010
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Saint-Victor la Coste fête l’arbre de Mai avec l’érection d’un peuplier contre un platane à proximité du bar de la place, lieu principal de ravitaillement des participants.
Accrochés a ce même platane, une multitude d’objets trouvés dans le village : arrosoirs, chaises en plastique, plots de signalisation, tuyaux d’arrosage, etc… _ Le panneau d’entrée du village sera accroché également en guise de signature !
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Saint-Geniès de Comolas, aura sa petite pyramide de poubelles devant la mairie, avec, cerise sur le gâteau, un grand container utilisé pour le recyclage des journaux. Pour parachever la décoration, quelques pots de fleurs seront disposés autour de la mairie. Le lendemain, chaque habitant ayant perdu un pot viendra le récupérer sur place.
Sans doute en raison d’un manque de moyens humains, aucun arbre ne sera érigé cette année !
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Domazan, aura droit pour le prix d’un « Mai », à deux arbres cette année, un pin et un peuplier, posés à plat devant l’entrée de la mairie. La décoration sera également accompagnée de cannes et d’un regroupement de poubelles, le tout ponctué de guirlandes de « pécu ». Une dame sortant de chez elle le lendemain matin, me racontera que la fête s’est bien adoucie aujourd’hui avec le temps. Il y a encore quelques années de cela, il était déconseillé de laisser sa voiture dans le centre du village sous peine de la retrouver le lendemain maculée de farine… ou d’autre chose !
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Théziers, fête encore cette tradition avec un certain éclat. Un peuplier blanc pas trop droit fera l’affaire cette année et sera érigé contre la façade de la mairie. Une multitude d’objets seront dispersés autour de la mairie. D’un côté, un vélo accroché contre la porte fortifiée du village, de l’autre un plot de signalisation sur un platane. On retrouvera également un chenil, des pots de fleur, des chaises en plastique…Sans oublier les poubelles de l’ensemble du village placées les unes à côté des autres. Plus étonnant, on trouve aussi le panneau de sortie du village d’Aramon (village voisin de Théziers) posé comme un trophée.
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A Aramon, où la fête est excentrée loin du centre-ville, deux bars seront « noyés » par une multitude de branches de saules ? contre leurs façade ! Une affiche indiquera par plaisanterie « Ici bois de chauffage 100 euros la stère, négociable ». Le lendemain, une personne retrouvera sa voiture sur cales et viendra récupérer tranquillement ses pneus disparus dans la nuit à proximité de l’un des bars !
Comme pour le village voisin de Théziers, on n’oubliera pas de signer ces « œuvres » éphémères par un panneau d’entrée du village.
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Comps, perpétue également chaque année dans la nuit du 30 avril au 1er mai la tradition de l’arbre de Mai, en plantant un petit peuplier devant la Mairie ainsi que devant la maison du maire. Un petit ruban tricolore est attaché au tronc de celui-ci. En récompense, le maire offrira le verre de l’amitié.
En guise de conclusion et comme le dit si bien le dicton, En Mai fait ce qu’il te plait !!!
CLAVEL Gabriel