1770 - 1881


De Par le Roi
Monsieur le Marquis
De Pilles Viguier,
Et
Messieurs les maire et échevins,
Conseillers du roi
Lieutenants-généraux de police
De cette ville de Marseille


ORDONNANCE DE POLICE


QUI fait défenfes à toutes perfonnes de paffer avec des Voitures fur la Plaine St. Michel, les jours auxquels on donnera le Spectacle de la Courfe & Combat des Taureaux

Le 24 Juin 1770, Plaine Saint-Michel

Cette ordonnance, placardée sur les murs de la ville le 21 Juin 1770 annonce la tenue d’un ‘SPECTACLE DE LA COURSE ET COMBAT DES TAUREAUX qui doit fe donner au premier jour fur la plaine Saint-Michel’.
Une autorisation a en effet été obtenue par Mr Jean l’Ainé, entrepreneur de Montpellier pour Quatre représentations, dans un plan monté hors des remparts de la ville. Les constructeurs ont donc bati une enceinte de ‘3750 Francs’, dont ils ne seront jamais dédommagés.
En effet, après la première course, l’entrepreneur disparaît avec la caisse de 5 000 F. La deuxième course est quand même donnée dans la foulée. Le succès obtenu est grand, mais entre la disparition de l’entrepreneur et les troubles suivant la seconde, l’autorisation de faire tenir les deux dernières est supprimée. On ne sait pratiquement rien de cette course, sinon que les taureaux sont mis à mort à la fin. Cette mise à mort précipitera la décision de ne pas faire tenir les deux dernières courses.
La polémique sur la viande échauffée enfle, certains claironnent que mettre une bête aux abois éclaircit le sang et rend la viande comestible, les bouchers des alentours, suspectés de revendre la viande des taureaux morts dans le plan, voient leurs ventes diminuer au lendemain des premières courses. Les promesses faites alors d’enterrer les animaux tués pendant la course ne suffisent pas.
La fuite de l’entrepreneur, le trouble de l’ordre public et la grogne des bouchers entraîneront la suppression des deux courses restantes.

1818, des Chiens...

Un nouveau type de spectacle, qui marche bien en Italie est tenté à Marseille. Le jeu consiste à lâcher « des Dogues de forte taille, en grand nombre sur des Taureaux ». Ce spectacle attire beaucoup de monde, lors de la première, tant et si bien qu’une partie des gradins s’effondre. Pour en finir, les taureaux se sont fait déchiquetér par les chiens.
Spectacle si dégoûtant qu’il fut interdit.

Le 28 Avril 1834, La Camargue à l’honneur

Le 27 Avril 1834, le quotidien « le Message » annonce pour le lendemain :
« Le Premier exercice de taureaux, accompagné d’une ferrade telle qu’on la fait en Camargue et qui sera exécutée par les hommes les plus expérimentés de ce pays. »
La course a lieu chez Mr Saiton, boulevard de la Paix. Celui-ci a fait installer trois rangs de gradins pour l’occasion . En fait, pour 1 ou 2 francs, le public se masse sur « un échafaudage assez mal construit et dont l’incommodité les irritait ». C’est alors que les taureaux sont lancés, ils ne sont ni vifs, ni fâchés. Tant et si bien que la foule se mêle aux ébats, et que le tout se termine en pugilat général.

1864, Le château des Fleurs

Après maintes requêtes, autorisation est donnée à l’hippodrome du château des fleurs d’organiser des spectacles peu connus à Marseille, constitués de jeux hispano-provençaux, composés de pose de banderilles, pose de cocarde, et saut de taureau.
L’inauguration se passe plutôt mal, le public déçu par le bétail envahit la piste, mais les jeux se poursuivent toute l’année malgré ce début peu prometteur.

Le 8 septembre 1872 Place Saint Lazare : l’accident.

Messieurs Eloi, Hugues et Contel n’avaient pas tout prévu, mais pouvaient-ils prévoir ce qui se passa...
Ils annoncent une course animée par des matadors et toréadors de renom. Les portes ouvertes laissent entrer plus de personnes que ces arènes improvisées ne peuvent en contenir. Cinq mille personnes se massent, le retard pris par l’organisation devient inquiétant quand la foule commence à crier « Remboursez ! ».
Les matadors restent invisibles. Mais les taureaux...
Le premier sort, se rue sur des planches mal assurées qu’il brise et se jette dans la foule. La panique s’empare alors du public, mais un boucher présent fait un lasso et attrape l’animal aux cornes. La mise à mort est effectuée par un fantassin, qui ajuste sa baïonnette, et l’enfonce dans le poitrail de l’animal.
Le deuxième taureau sort dans les mêmes conditions, et subit la même fin. C’est à ce moment là que la porte du toril cède, (ou plutôt qu’un plaisantin juge malin d’ouvrir). Les taureaux se précipitent dans l’arène, cherchant une issue. L’agitation qui suit est fatale aux animaux. Un d’entre eux est abattu d’un coup de feu. Un boucher en rattrape un autre dans un terrain vague et l’abat. Les deux derniers « disparaissent ».
Cette mascarade était organisée afin de rafler la caisse. _ Lorsque les marseillais s’en rendent compte, reconnaissant sous le costume de toréadors 2 tondeurs de chien du quartier, ils détruisent tout.

Avril 1878, les premières courses

Le théâtre Valette dans la rue Paradis, à l’angle de la rue Sainte Victoire, voit 3 courses organisées au mois d’avril 1878, les 21, 27 et 28. Devant le succès remporté par le spectacle présenté, la décision est prise de créer de nouvelles arènes, dans la rue Borde.
Arènes qui deviendront les premières arènes du Rouet.

1881 : une catastrophe.

Au 127 Avenue du Prado, une piste est montée. Ce sont les Nouvelles Arènes du Rouet. Ces arènes sont constituées de 8 rangs de gradins soutenus par des poutres. Ces gradins à claire-voie permettaient également aux gens d’assister au spectacle « par-dessous » en regardant à travers les planches.
Le 12 Août 1881, le " Petit Marseillais " annonce une grande course de taureaux espagnols pour le Dimanche suivant. Le succès rencontré dépasse les espérances des organisateurs. _ A 14H30 l’enceinte est archicomble, pleine d’une foule beaucoup trop nombreuse, et trop houleuse pour envisager une annulation. Ainsi, sous la pression des organisateurs, le spectacle est maintenu... Jusqu’au troisième taureau.
A ce moment là un craquement retentit, une partie des gradins s’effondre faisant 415 victimes dont 27 morts et 174 blessés sérieux.

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1887-1903

1887, des jeux hispano-provençaux.

Les arènes du Prado, une piste de 60x40m, sont inaugurées à l’angle du Prado et de la rue Jean Mermoz le 17 Juillet 1887. Cette inauguration présente un spectacle à 12 000 spectateurs. L’affiche annonce :

Composition du quadrille :

  • E. Pouly, 1er toréador français, 8 fois lauréat de Madrid ;
  • Dedieu Second de Pouly, médaille de vermeil ;
  • Lombros, 1er mantelliste français, médaille de vermeil ;
  • L’aiglon 1er sauteur à la perche, médaille de vermeil ;
  • Guillot sauteur sans perche, médaille d’argent ;
  • Soulier sauteur sans rival, médaille d’argent.

Jeu du Manteau, sauts avec et sans perche, pose des cocardes, pose des banderilles, jeu de la Véronique, coup du manteau à genoux, passes de muleta, simulacre de la mort et enlèvement des cocardes sur le garrot.

La même année, le 25 juillet, une autre course est rapportée, mais celle-ci prend fin au 4ème taureau qui brise la mâchoire du toréador. La foule se met à gronder. Pour la calmer on lâche un taureau emboulé qui subit les assauts de jeunes en mal de sensation puis un sixième, cornes nues, qui fera un peu de ménage dans la piste.

De nombreuses courses landaises ont lieu, montrant des sauteurs avec et sans perche. Les courses sont prisées. A tel point que de nouvelles arènes sont construites

1893, un public exigeant et ... enflammé

Le 6 août 1893 est une date importante dans la tauromachie marseillaise, s’agissant là de la première mise à mort dans cette ville, réprimandée par le préfet...
Deux semaines plus tard, une nouvelle course a lieu. Malheureusement, les toréadors se révèlent incapables d’occire proprement le bétail. Une boucherie, qui, au deuxième taureau va faire sortir de ses gonds un public exigeant. La foule casse tout, incendie les arènes, et va même jusqu’à déraciner les platanes.
La ville écope de trois ans d’interdiction de courses.

1896, de mauvais spectacles... sanctionnés

Le 2 août, le ton est donné : un mauvais spectacle « hispano-landais » provoque la grogne, mais moins que le spectacles des « señoritas toreras » de la semaine suivante. Huit à neuf mille personnes expriment alors leur mécontentement en détruisant l’établissement du Prado et en y mettant le feu.
Ces arènes ne rouvriront que 2 ans plus tard, avec le 15 mai 1898 la première mise à mort de 6 taureaux.

1899, le Marquis à Marseille.

Marseille accueille ses premières courses libres en février, mars et juin, le Marquis amenant ses taureaux au Rond-Point du Prado le 4 Juin 1899.

1899 un public ... inflammable

Le 23 juillet, les Nouvelles Arènes de Marseille (ou nouvelles arènes du Rouet) sont inaugurées, dans la traverse Baccuet. Le spectacle est affligeant, la course est lamentable, les piques non réglementaires.
Aussi, la semaine suivante, la foule arrive très certainement remontée pour voir le spectacle. Les toréadors exigent le paiement des 4 000 pesetas de leur contrat pour sortir combattre. Ce contrat non honoré fait lambiner les choses, la foule s’impatiente... et met le feu à l’établissement après l’avoir détruit. Nouvelle interdiction de courses.

1903, 2 pistes pour un programme chargé...
Voici le programme des courses organisées à Marseille en cette année 1903 :

Piste Date Spectacle
Baccuet 22 mars Padilla et Murciano, 4 toros dont 2 espagnols (Carreros).
Prado 29 Mars Finito et Chico de Camilla, 6 Chabrier
Baccuet 5 Avril Suarito et Parraito, 6 Carreros
Prado 5 Avril Chico de Camilla, Murulla, 5 Lescot
Prado 11 Avril Pouly II et son quadrille, 4 Baroncelli-Javon
Prado 12 Avril Valenciano, Chico de Camila et Negret, 6 Desfonds
Baccuet 14 Avril Canario, Murciano, 6 Carreros
Prado 19 Avril Valenciano, 5 Lescot
Baccuet 19 Avril Valencia, José Mejías et Belcita, 6 Carreros
Prado 26 Avril Negret, 5 Lescot
Baccuet 26 Avril Pouly II, Faico Chico, 6 Baroncelli-Javon
Prado 3 Mai Carita, Aramis (Landais) et Emery Decollomb (caballero), 5 de l’Eyrelle
Baccuet 3 Mai Provençale avec Bayard et Racine, Ursus luttant avec un toro, 4 de Blanc, de l’Audience.
Baccuet 10 Mai Faico Chico et Murciano, 4 Lescot.
Baccuet 17 Mai Concours du matador de novillos (au simulacre). Metodo et Negret, 4 Lescot.
Bacccuet 24 Mai Negret et Cerrajillas, 4 Blanc
Prado 31 Mai Course Libre.
Prado 1er Juin Course Libre
Prado 7 Juin Morenito de Sevilla et Lucerito. Caballero : Emery Decollomb, 5 Desfonds.
Baccuet 7 Juin Negret et Polo, 6 Dijol
Prado 14 Juin Carillo et Alvarado, 6 Palières
Baccuet 14 juin Course Hisano-Landaise. Carita, Murulla, Aramis, 6 Blanc
Prado 5 Juillet Provençale, 5 Desfonds
Baccuet 5 Juillet La Camargue à Marseille avec Mlle Lescot (14 ans), ferrade, muselade, etc...
Prado 12 Juillet Course libre avec les amateurs de François le Boucher.
Baccuet 12 Juillet Faico Chico, Murciano, 6 Blanc
Prado 19 Juillet Défi de 1000Francs. Pouly II et Carita, 3 Desfonds, 3 Blanc
Baccuet 19 Juillet Course libre + 2 toros pour Loreto Chico (prix réduits).
Prado 26 Juillet Dufau, Aramais et François le Boucher (Lando-provençale), 7 Desfonds.
Baccuet 26 Juillet Course libre.
Prado 9 Août Course Libre
Prado 11 Août Course Libre
Prado 15 Août Course Libre
Baccuet 15 Août Course Libre
Prado 16 Août Course Libre
Baccuet 16 Août Course Libre
Prado 23 Août Carillo et Bocanegra, 5 croisés espagnols.
Prado 30 Août Carillo et Padilla Chico, 5 croisés de Mistral de Saint-Remy.
Prado 6 Septembre François le Boucher et course libre.
Prado 13 Septembre Défi Suarito, Negret, Padilla Chico et Murciano, 6 Blanc.
Baccuet 13 Septembre François le Boucher.
Prado 20 Septembre Padilla Chico, Loreto Chico, 6 Desfonds
Baccuet 20 Septembre Suarito, Murciano, 6 Blanc
Baccuet 27 Septembre Plaza partida. Pouly II, Racine faico Chico, Chiclanero, 4 Blanc, 1 Benumea, 1 Herreros

Les deux pistes finissent par se faire une guerre féroce organisant des spectacles concurrents.

1905 Arènes Boulevard Barral.

Le 14 Mai 1905, on inaugure des arènes Boulevard Barral. Jusqu’au 7 Août, date de la fermeture, trois arènes tourneront ensemble. Mais les spectacles et la qualité des pistes sont inadaptés.

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1908-1962

1908 : Du délire pur...

Un combat d’un nouveau genre naît dans la tête d’un organisateur. Faire combattre des tigres contre des taureaux.

Le 19 Août 1908, dans une enceinte appartenant à Mr Molinari, quartier de la Vieille Chapelle, 2 tigres de Sumatra doivent être confrontés à des taureaux de la Manade de l’Etourneau. Le bruit, l’agitation...
Les tigres ne sortent pas volontiers.
Le premier tigre est donc extrait de sa cage à coups de trident.
Il se plante devant le Bioù...
Cornada du taureau, fin du combat...

Et ensuite...

Les arènes du Prado ont tenu jusqu’en 1951, elles ferment le 21 octobre, poussées par l’expansion de la ville.
D’autres arènes, démontables celles-ci, ont poussé en divers endroits.

Les arènes du parc Borely (à l’inverse du champ de courses) provenaient de Carcassonne.
Grandes, elles comprenaient :

  • 7 rangs de gradins bas,
  • 19 a 12 de gradins hauts,
  • 1 amphithéâtre debout et
  • 18 vomitoires.
    La piste mesurait 40 mètres de diamètre.

Elles furent inaugurées le 16 avril 1955, et fermèrent le 6 septembre 1959.

La dernière piste de Marseille fut installée en 1961, pour 2 saisons au boulevard de Paris.

Un constat d’échec.

Un manque de respect du taureau est peut-être à l’origine de ces échecs permanents.
L’occasion donnée d’escroquer les gens, cette manie des organisateurs d’utiliser du mauvais matériel, ce besoin de faire entrer beaucoup plus de gens que de raison, l’organisation de mauvais spectacles, sont autant d’autres raisons qui peuvent être invoquées pour expliquer ces ratages.
Les marseillais étaient au fait des spectacles de villes comme Arles ou Nîmes et y assistaient régulièrement. Dans ces conditions, présenter des spectacles affligeants ne pouvait que mal tourner. Les casseurs avaient bien compris cela.

La Fe di Biòu aurait pu prendre... Dommage...