L’atelier présente et Nicole Niel commente, explique et raconte.

Le costume "Léo Lelée" est la dernière évolution du costume traditionnel du pays d’Arles. Il en est le parachèvement, comme si l’oeuvre ne pouvait être plus belle.

Voici, presque in extenso, une retranscription des tableaux présentés par l’atelier et Mme Niel.

Les Quatre Saisons de Leo Lelée...

Quatre Tableaux, printemps, été, automne, hiver.Quatre saisons en quatre lieux mythiques : Le théâtre antique, les arènes, les alyscamps et le cloître Saint Trophime.

Le premier costume représenté ici est le costume en cravate.
Ce costume est porté tout aussi bien par la petite fille que la femme adulte. jusqu’à la femme agée. Dans ce dernier cas, la cravate sera noire.
La cravate se pose sur le peigne qui couronne la coiffure. C’est un carré de de mousseline brodé ou festonnéen 2 angles et plissé d’une certaine façon avant d’être posé sur le peigne. Cette cravate exprime souvent un costume de travail, le tablier qui accompagne généralement la tenue peut disparaitre dans certains cas, conférant alors un aspect un peu plus précieux à ce costume. La casaque [1] est noire, la jupe est biaisée, sans plis sur les fesses. Cette jupe là est la dernière créée dans le costume d’Arles. Le fichu de mousseline, blanc, est assez ouvragé dans certains cas. L’arlésienne choisit sa tenue en fonction des circonstances.

L’été, aux arènes. Elles sont protégées du soleil par une ombrelle. Elles portent le costume le plus classique de l’arlésienne. Celui qui sert de référence aux jeunes filles qui commencent à porter le costume.
L’ensemble est composé d’une jupe biaisée avec un peu plus de fond, puisqu’il y a des plis et des fronces au niveau de la taille et rassemblés sur les fesses. Cette jupe est accompagnée d’un fichu qui peut être assorti, avec là encore une casaque noire. Le ruban est de couleur bleu marine, c’est le velout qui prime, on ne voit plus de ruban de couleur. qui n’est plus à la mode. En revanche, la façon de se coiffer et de poser le ruban sont très particuliers à cette période. La coiffure a des bandeaux assez hauts, bien marqués et qui sont soutenus par de très longs crochets qui soulèvent les cheveux. Cette façon de se coiffer est remarquable.
On constate aussi la présence d’une pelote. Située sur l’estomac, elle termine de façon agréable la chapelle.
La chapelle est l’ensemble de tous les éléments portés sur le buste : Le plastron qui se pose sur la poîtrine, accompagné un peu avant l’époque Lelée par une guimpe, assortie au devant d’estomac, suivi d’un fichu de dessous, la gaze, qui vient autour du coup. Les Arlésiennes présentes ce soir ne portent pas de guimpe. Cette dernière n’est plus à la mode, elle ne se porte plus à l’époque du peintre. Cette époque est celle de la sobriété, aussi bien dans le choix de l’ornementation que dans le choix des éléments.
Remaquable encore est le fichu, arrondi et donnant une aisance à la taille.

Voici ensuite l’automne. Le costume est sombre, couvert par un châle protégeant des premiers frimats. On constate les mêmes éléments que décrit auparavant. Le port du châle est abondamment représenté chez Lelée. Effectivement, force est de constater que ce dernier, lorsqu’il est bien positionné, accompagne remarquablement la silhouette.

Le manteau représenté pour la partie hiver est assez remarquable également, puisque c’ est une pièce endossée qui se pose sur les épaules. Il vient de la période Louis Philippe dans sa forme. Cest l’ancienne enveloppe. Il comprend un capuchon, bordé d’une dentelle noire. Dans bien des cas, il est également bordé de fourrure.
Ce manteau s’attache, grâce à deux lanières qui passent sur les épaules de chaque coté, puis dans le dos, pour venir se nouer devant la taille. C’est de cette façon que le manteau peut tenir sur le dos de la personne. Le tout est complété par deux attaches sur les bords, dans lesquelles l’arlésienne passent les mains pour maintenir le vêtement contre elle.
Une dernière pièce termine le costume d’hiver. L’arlesienne met au niveau du cou un dessus de chapelle pour se proteger la gorge que le manteau ne protège pas.

La Fontaine Pichot.

Lelée utilise ce décor pour représenter des arlésiennes en cravate.
Ces arlésiennes qui vont chercher l’eau porte ce costume de manière tout a fait naturelle et quotidienne.
Elles portent le tablier. Ce sont des chato, elles ont revétu ce costume à l’âge de 10-12 ans et continuent de le porter, jusqu’à ce qu’elles changent de cravate pour du noir.

Sur ces costumes, la jupe peut être de forme différente, elle peut être ronde plissée [2] ou froncée à la taille. Il peut aussi s’agir d’une jjupe sensiblement plus longue avec, non pas une traine, mais un peu plus de longueur à l’arrière.
Sur ces 2 personnes la coiffure est la même Les bandeaux sont très bien marqués, les cheveux sont tout à fait naturels avec des frisettes sur le front ou sur les oreilles et la cravate prend le volume qui correspond au ruban. Le fond de coiffe recouvre le peigne et se voit comme on le verrait sur le ruban [3], et les banettes [4] ont une certaine longueur. Ces petites banettes sont aujourd’hui réduites par les femmes qui portent la cravate. Elles doivent être naturellement nouées...

De la fontaine au quai du Rhône... Avec l’affiche des fêtes d’Arles de 1923.

Ce dessin est fait pour une affiche. Il y a une stylisation dans le tracé et dans les volumes traduits qui est remarquable. Les couleurs sont certainement fausses.
Le ruban qui est ici un velout, devrait donc être bleu marine. Les eso sont beige clair par contraste avec les costumes assez foncés. Ceci n’a certainement jamais existé. Il y a eu transposition de l’Artiste ou un problème lié à l’impression de l’image. La mamé devrait être habillée tout en noir, et pourtant ressort en beige aussi. L’image ne correspond pas à la réalité. Les trois personnes présentes les costumes de l’époque. Beaucoup de sobriété dans le choix des costumes souvent assortis jupe/fichu sur une eso noire. La personne agée porte la coiffe de l’ancien régîme, époque Louis Philippe. Le ruban fait le tour complet du crane, s’enroule pour se positionner avec le guidon légèrement sur le coté, le bonnet blanc apparaît sur le dessus. Les personnes agées ont continué de porter un costume qu’elles avaient porté jeunes. En vieillissantElles perdait leur cheveux autour du peigne et élargissait le cercle du ruban pour masquer la perte de cheveux.

Première coiffe.

Quatre mai 1904. Le village est en effervescence pour les festo vierginenco. Trois cent soixante dix jeunes filles prennent ce jour là le ruban.

C’est un grand jour. Prendre le ruban est un évènement dans la famille. La jeune fille l’a longtemps espéré.

Elle doit être femme, avoir 15 ans pour avoir le droit de porter le ruban comme sa mère. Jusqu’alors elle avait porté la cravate qui est visible sur la tête de sa soeur ou de sa mère qui est en train de l’habiller.
Elle prend la coiffe. Evènement qui aujourd’hui encore revêt une grande importance.
C’est une passation dans le rang social. Cette jeune fille porte un costume classique. La jupe et le fichu sont assortis, taillés dans la même cotonnade, la chapelle se compose d’un plastron et d’un fichu de mousseline (toujours pas de guimpe) et elle porte un ruban bleu marine.
La personne qui tient les épingles porte un costume de deuil.

Les Portraits :

Madeleine Gilles. Huile sur toile.

Cette personne porte la coiffe Louis Philippe.avec un châle serré sur sa poitrine. Malgré son age, elle porte un fichu de propreté blanc. Cette mousseline blanche qu’elle portera toujours, même en période de deuil.
Le deuil est marqué par l’absence de broderie, ni sur le bonnet (ou le fond de coiffe accompagnant le ruban blue marine), ni sur son plastron, ni sur ses fichus.
Lorsqu’elle portera le demi deuil elle pourra afficher des broderies noires sur le plastron, et la guimpe éventuellement et sur des fichus qui pourront être imprimés de noir sur fond blanc.

Rosa Lelée, huile sur toile.

_ Seul tableau dans lequel le sujet porte une parure de bijoux.

Lelée montretrès rarement les bijoux portés par les arlésiennes.
Rosa port ela parure complète :
Une paire de boucles d’oreilles, une chaîne à maillons en perles de jais au bout de laquelle pend une croix, une broche derrière laquelle coulisse un sautoir et au bout du sautoir, la montre qui vient se glisser parfois dans une petite poche cousue à l’èse du costume.

Sur ce portrait, un détail important apparait dans la silhouette des années Léo Lelée : Le volume sur la poitrine qui correspond dans la mode parisienne au "S", ligne formée par la poitrine d’un coté et les fesses de l’autre. Ce "S" est symptomatique et caractéristique des années 1900 à 1920, et dans le costume d’Arles, il est resté.
Comment l’arlésienne arrive à donner cette importance. Elle utilise un stratagème qui consiste à glisser sous le plastron qui se trouve à l’avant de la poitrine les 2 pans de fichus qui restent. On apelle ce geste faire "lis estomac".
On obtient ainsi ce volume visible sur de nombreuses photos d’arlésiennes de l’époque. Ce volume sur la poitrine est compensé à l’arrière, sur les fesses, par des fronces sur les 3 jupons resserrés par un cordon sous la taille. Ainsi, le volume compense celui créé à l’avant.

La coiffure à la Leo Lelée. De part et d’autre de la raie médiane sont à remarquer des frisons : des vagues qui sont formées en utilisant un fer à friser qui donne un volume. Ce volume est répartis en trois lignes dont la dernière donne le départ au bandeau. Ce dernier est ainsi torsadé très haut et est maintenu par un long crochet à cheveux de 12 à 13 centimètres de longs, recourbé à ses extrémités, qui viennent se glisser sous le peigne. Il est donc placé presque à l’horizontale et va donner la courbure du bandeau. Cette façon de se coiffer est particulière à cette époque, mais se perpétue encore aujourd’hui. Ces crochets permettent de donner la bonne direction au bandeau en fonction de la forme du visage. La coiffure d’arlésienne doit être un outil qui améliore éventuellement les imperfections de la nature et qui permet à chacune de trouver l’équilibre dans toutes les marques du visage.
Sur ce dessin les doubles bandeaux sont à la hauteur du menton. Le bandeau arrive à la hauteur du nez.

La direction du bandeau est ici fonction du profil, de la forme du visage.

On observe aussi sur le ruban dessiné ici "li trau" les trous. De part et d’autre du carton, qui rigidifie le ruban sur la face du ruban. Lorsque l’on tire le peigne vers l’arrière, on va glisser le carton derrière le ruban, et pincer le ruban de chaque coté pour former ces "trous".
A l’arrière la coiffe est fermée par un pli appelé le "péçu" grâce à une épingle très longue. Ce pli va donner sur cette coiffure Léo Lelée une petite coiffe très fermée et un guidon court. Le guidon est la partie du ruban qui flotte à l’arrière.
Le guidon est fermée par une épingle, plus 2 epingles disposées en croix à l’arrière qui maintiennent sa direction.
En marge des caractéristiques techiques de cette coiffe, l’impression de naturel dégagée par les frisons sont un élément marquant à conserver absolument.

La partie de Loto.

Trois personnes jouent au loto. La personne au centre porte une cravate noire. Certaines personnes en Arles on porté la cravate tout au long de leur vie. Le ruban est un objet manufacturé qui coutait cher. Acheter un ruban n’était pas anodin, du moins pas à la portée de toutes les bourses.
Ces femmes ont porté la cravate étant enfant, puis elles ont porté la cravate blanche quand elles étaient chato. Elles se sont mariées, et au premier deuil dans la famille, elles ont quitté la cravate blanche pour porter jusqu’au bout la cravate noire.
Les deux autres personnes portent le costume classique.
Un élément important est à noter sur la personne de droite sur le tableau. Le fichu affiche un arrondi dont le rôle est d’offrir une liberté de mouvement à celle qui le porte, ne serait ce que pour lui permettre de lever les bras pour réajuster son ruban. On ne voit plus aujourd’hui cette façon de porter le fichu. Le fichu semble souvent trop tiré, formant ainsi une ligne droite disgracieuse. et empéchant de bouger.
Il suffirait de lever un peu le bras pour tirer le tissu vers le haut avant de poser les épingles pour obtenir cette souplesse de mouvement.
Il ne reste plus qu’à former la pelote constituée des 2 pans du fichu qui restent libres en forme de coque ou de petite mandorle à l’avant des plis du fichu qui arrive à la taille pour se croiser. Cette mandorle termine agréablement le fichu. C’ets la dernière innovation dont sera témoin le costume de l’arlésienne. Cette pelote n’a existé qu’après le début du siècle. Dans les années 1895, les deux pans du fichu venaient encore de chaque coté.

Près de l’abbaye de Montmajour...

Le dessin est certainement réalisé pour une affiche. La sobriété dans le moyen et la précision dans les formes sont simplement remarquables. L’expression des cheveux tient à une masse noire, un eclair de bleu traduisant le volume.

Le châle est resserré autour de la taille pour former des plis, donnant un galbe. On devine le dos, les fesses.
La pointe du châle dans le prolongement des plis de la jupe donne une ligne verticale extrèmement gracieuse.

Le châle est emprisonné dans les coudes, pour souligner les plis. Le benitier est bien visible, libre. Les frileuses ajoutant un dessus de chapelle pour combler cet espace.

On retrouve ici, l’axe du châle dans les plis de la robe, les frisons, et la petite taille de la coiffe...


La cueillette des olives

Le costume est traditionnel, mais cette femme ne porte ni fichu ni plastron. Elle a remplacé cela par un caraco accompagnant une jupe paysanne froncée à la taille à plis canons ou parfois a plis couchés. Elle a protégé cette jupe par un tablier noué derrière les genoux afin de resserrer le volume de ses effets, devant grimper à une échelle. Elle porte sur la tête une capeline. Ce chapeau n’est pas particulier à la Provence, il se retrouve dans toutes les régions de France. Cette capeline est composée de morceaux de cartons qui la rigidifie sur l’’avant. Le rôle est la protection contre les intempéries. Le soleil certes, mais le vent aussi...
Madame porte aussi des manchons sur ses avant bras qui servaient à protéger les vêtements des tâches inévitables lors de la cueillette.
Elle tient son panier grâce à une ceinture en cuir.


Un pas de danse.

Un costume en cravate qui n’est pas destiné au travail, ainsi que l’atteste l’absence de tablier. La jupe est belle, bien faite comprenant des plis à l’arrière lui donnant le volume adequat, le fichu est festonné, brodé...
C’est la fête, dans la campagne. La tenue est sans prétention.


La procession

Ces femmes sortent de l’église. Elles portent sur la tête un "vellet", une grande étole en tulle, plus ou moins ornementée. Il est porté pendant les cérémonies religieuses, mariage voire enterrement.

On est en hiver, les femmes accompagnent le défunt jusqu’au cimetière Elles portent, sur leur vellet, le châle qui les protègent.

Le Vellet recouvre le ruban, plaqué à l’avant contre le carton. Les 2 pans se serrent sur le buste en même temps que le châle.

Le châle peut être simple, de forme carrée, mais il peut être aussi un châle "Quatre double". Ce sont de grands rectangles, pliésen deux pour former un carré, puis le triangle est formé...

Croquis...

Une écharpe en chenille de soie. L’écharpe est bordée de franges longues formant une série de ponts. Elles sont noires ou en couleurs...
Les plis des jupes partant à la pointe du fichu sont la dernière des formes des lignes arlésiennes, la plus élégante...

Etudes à la sanguine d’arlésiennes en châle.

Le coté remarquable de ces croquis est l’inutilité du décor. Le décor pourtant absent est bien là : Les escaliers du cloître.

Voici la retranscription la plus fidèle possible des commentaires de Nicole Niel sur la mise en scène des costumes par l’Atelier de Maillane.

[1l’èso en Arles

[2à plis couchés tout au long de la taille

[3si l’on supprime le guidon

[4les deux parties de la cravate qui sont nouées à l’avant

Portfolio